Morgen

Un de mes amis se moque parfois de moi (gentiment) parce que je vais voir des films estoniens sous-titrés en serbo-croate… Bien sûr c’est une image, mais que ce Morgen incarne presque. L’un des deux protagonistes parle le turc (c’est normal, il est lui-même turc), et ce qu’il dit n’est jamais doublé, ou traduit. L’autre est roumain et ses paroles sont sous-titrées (ouf), mais il n’est pas le plus bavard des deux.
Pour montrer le désarroi, l’impression de danger, de flottement, d’immersion dans un univers hostile et déstabilisant, l’idée de placer le spectateur dans une position d’incompréhension de la moitié de ce qui se passe, n’était pas, a priori, si mauvaise que cela. Certaines scènes sont sur le fil, en équilibre très instable entre la pure comédie et la dérisoire lourdeur des choses, remplissant alors l’objectif du film, montrer et dénoncer l’absurdité des frontières et des drames humains qui en découlent. Ces instants restent tout de même trop rares, émergeant avec bonheur d’une plaine d’ennui, voulue sans doute mais peu cinématographique.