C'est un homme qui dit pardon.
Pas à tout bout de champ, pas à n'importe qui. Mais
il le dit souvent. Il dit pardon parce qu'il sent qu'il y a quelque
chose à réparer, parce qu'il croit être responsable
de certaines douleurs. Ça n'est pas si courant que cela,
un homme qui dit pardon. Et qui finit par réparer.
Grégory Gadebois (énorme, christique et pourtant d'une
telle humanité…) joue cet homme, à la présence
massive, un peu comme Olivier Gourmet, de la rondeur tranquille
en apparence mais d'une fragilité de verre à l'intérieur.
Le sourire rare, se voyant lui-même comme un être à
part… l'amour, comment savoir, on n'est pas tout à
fait pareil, dit-il à un ami lorsque celui-ci lui demande
ce qu'il en est, a-t-il été amoureux ? Cet homme,
c'est Frédi, un guérisseur comme il existe des personnes
qui apaisent les brûlures… mais chez lui, les choses
vont plus loin. On peut remiser son scepticisme, le sujet du film
n'est pas là. Qu'il soit guérisseur, médecin
ou sorcier, c'est surtout un homme qui peu à peu comprend
qu'il peut sentir la douleur chez l'autre.
Il serait tout seul dans cette révélation, cela ne
mènerait à rien ou à pas grand-chose. Mais
les personnages qui l'entourent, incarnés par Marie Payen
(sans fard, terriblement touchante), Philippe Rebot (la gouaille
hallucinante !) et surtout Jean-Pierre Darroussin (joyeusement acerbe,
faussement aigri…) font tous le poids en face de lui, socialement
et sentimentalement. Céline Sallette semble un peu en retrait
(peut-être un peu trop de mystère ?), elle doit forcer
le trait pour exister.
La mise en scène s'attarde, insiste, creuse les rapports
entre les personnages, la caméra tourne autour d'eux, les
approche au plus près en jouant avec la lumière, aveuglante
parfois, elle paraît parfois venir de l'intérieur des
acteurs. Les dialogues semblent absolument naturels, il y a des
colères et des douceurs, des mots qui jaillissent comme s'ils
venaient d'être inventés. Rarement une œuvre n'aura
aussi bien porté son titre, où il est question d'âme…
Le film en a une, de toute évidence. On peut aimer ou détester,
on en sort pas tout à fait le même que deux heures
avant. Magnifique.