Moi, Daniel Blake *

Ken Loach

L'histoire

Pour la première fois de sa vie, Daniel Blake, un menuisier anglais de 59 ans, est contraint de faire appel à l’aide sociale à la suite de problèmes cardiaques. Mais bien que son médecin lui ait interdit de travailler, il se voit signifier l'obligation d'une recherche d'emploi sous peine de sanction.

Avec

Dave Johns, Hayley Squires, Dylan McKiernan, Briana Shann

Sorti

le 26 octobre 2016


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Minuscule et énorme

 

Tiens, encore un Ken Loach et encore une palme d'or, au passage. On pourrait discuter du bienfondé d'une telle récompense pour un film et un réalisateur qui n'apportent pas grand-chose cinématographiquement parlant. On pourrait. Il est aussi assez cocasse que le festival de Cannes, tout en paillettes, en robes du soir coûtant des milliers d'euros et en réceptions fastueuses, couronne régulièrement des cinéastes (Outre Loach, les frères Dardenne ont eux aussi décroché deux fois la palme d'or…) s'intéressant à "ceux d'en bas", des personnages qui, s'ils existaient vraiment, seraient à des années lumières de la folie cannoise.
Oublions les petites polémiques sur les palmarès, et ne voyons que l'œuvre, son scénario, sa mise en scène, ses acteurs… C'est un cinéma intègre, droit, tout à la fois modeste et révolutionnaire. Modeste dans sa forme, avec un récit classique, des prises de vue sans artifices, un montage sans surprises, une bande son réduite à sa plus simple expression (une seule musique illustrative, et c'est sur le générique final), et révolutionnaire dans son propos, en élevant au rang de héros un homme du peuple, un perdant pas même magnifique, une victime de la libéralisation générale du Monde qui transforme tous les systèmes de protection sociale en machines froides et impersonnelles n'ayant au final plus qu'un seul souci : le rendement. L'histoire de cet homme témoigne avec de multiples et minuscules détails comment ceux qui pouvaient se tenir droit il y a encore dix ou vingt ans, qu'ils soient charpentiers, ouvriers qualifiés, artisans ou "petits" employés, pères ou mères de famille aux revenus modestes sont devenus extrêmement fragiles, susceptibles de s'écrouler socialement en cas de coup dur, parce que la solidarité organisée par les Etats s'émiette peu à peu, pendant que des actionnaires s'enrichissent sans scrupules. Ce n'est même plus un discours d'extrême gauche un peu tendancieux, c'est juste la réalité. Ce qui est criant au Royaume Uni et dénoncé par Ken Loach est en train de s'infiltrer dans le système d'aide sociale ici en France, de façon tout aussi insidieuse.
Alors, Daniel Blake, œuvre mineure, artistiquement pauvre ? On s'en moque, c'est une œuvre pour l'intérêt commun, pour la survie des classes prolétaires (vous savez, celles qui sont définies par la lutte des classes…)
Et puis, niveau émotions, vous serez servis, avec au moins un passage qui pourrait bien rentrer dans le Panthéon des scènes marquantes de ce début de vingt-et-unième siècle, lorsque Katie, la mère célibataire que rencontre Daniel Blake, est accueillie à la banque alimentaire et qu'elle craque… Rien de spectaculaire, mais toute la détresse du personnage est là, dans ces quelques minutes. C'est minuscule et énorme en même temps.

Ah oui, une dernière chose, Kaganski, le célèbre critique des Inrocks, parle à propos du film de manichéisme proche de la démagogie, de tract sentimentaliste, imprégné d’un pathos mélenchonien, de grosses ficelles, d'un film qui relève plutôt du chantage à l’émotion que du cinéma.
Kaganski, tu sais quoi ? Je t'emmerde.

 

Vos commentaires pour ce film

Ça commence comme un sentiment d'injustice fort et lourd devant ce que subissent constamment les grands bretons en situation de précarité, situations induites par la privatisation des services publiques et l'ultra libéralisme issu du Thatcherisme. Lorsqu'en octobre 2016 le magazine "Le point" titre "Thatcher le meilleur programme pour 2017 ?", on peut frissonner de ce qui pourrait arriver bientôt aux services publics français.
Ça se poursuit avec un flot d'émotions, les acteurs sont excellents, l'histoire est tragique et laisse la place principale à l'humain.
Bref, j'ai vu le dernier Ken Loach, le film qui a eu la Palme d'or cette année et je dois dire que je l'ai aimé.


Isabelle E-C, le 4 novembre 2016

 

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