Les Misérables **

Ladj Ly

L'histoire

Stéphane, tout juste arrivé de Cherbourg, intègre la Brigade Anti-Criminalité de Montfermeil, dans le 93. Il va faire la rencontre de ses nouveaux coéquipiers, Chris et Gwada, deux "Bacqueux" d’expérience. Il découvre rapidement les tensions entre les différents groupes du quartier. Alors qu’ils se trouvent débordés lors d’une interpellation, un drone filme ce qu'il se passe...

Avec

Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga, Issa Perica, Al-Hassan Ly, Steve Tientcheu, Almany Kanoute

Sorti

le 20 novembre 2019


La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

Surtension

 

Le verbe, haut, puissant, nerveux, imagé, très imagé… Les relations, conflictuelles, professionnelles, amicales, passent d'abord par ces échanges verbaux, par ce parler unique, en perpétuelle création, au rythme de l'énergie de chacun, où l'injure n'est pas si grave et sert de ponctuation ou de reconnaissance entre membres d'un même univers ; où les blagues, les galéjades, les réparties sont indispensables pour exister ; où parfois un mot savant survient comme une perle. Le flic qui vient d'arriver là, dans cette banlieue, découvre cet art du dialogue avec stupéfaction, c'est rien de le dire, un art accompagné d'une multitude de codes qu'il est incapable de saisir tout de suite, surtout que ces codes ne sont pas partagés par tous. Un mot ou un geste de trop ici, et c'est l'explosion assurée, alors qu'une avalanche de ces mêmes mots ou gestes, mais dits par d'autres et dans un contexte légèrement différent, fera autant d'effet qu'un minuscule déplacement d'air.
Le film cueille le spectateur et l'installe dans la cité ou dans la voiture des flics, presque immédiatement. C'est tendu, tout de suite, mais c'est aussi incroyablement drôle, par les situations, par les personnages. Cela peut ressembler à un documentaire parce que la caméra est au plus près et vous plonge dans ce monde inconnu sans ménagement. Mais c'est aussi une œuvre de fiction, entremêlant la comédie et le drame : le vol (ou l'emprunt) d'un…lionceau dans un cirque est l'étincelle qui met le feu aux poudres. C'est à la fois dérisoire (une sorte de grosse peluche vivante) et potentiellement mortel (qui es-tu, toi, homme misérable, pour oser enfermer un lion, animal si noble ?). C'est juste un symbole de tout ce qui peut déclencher au choix un échange fleuri mais souriant, ou bien une véritable guérilla urbaine.
Les trois acteurs qui jouent les flics sont monstrueux, "Chris" en tête, formidablement crédibles, mais les personnages de la cité, le Maire, le frère musulman ou le fournisseur en tout ce qui s'achète, sont aussi impressionnants. Enfin, les gamins, les Gavroche (pas de Cosette, signe des temps…), sont finalement les plus terribles parce qu'on se dit qu'après avoir vécu une jeunesse pareille, ils ne peuvent devenir que des adultes perdus, en marge. Des Misérables.

Vos commentaires pour ce film

Une belle radiographie pas si simple que ça…
Un vrai film avec un bon scenario, camera à l’épaule une façon de filmer …
Ya pas les bons d’un côté les méchants de l’autre.
La bande annonce ne rend pas service au film, le film est plus profond que la banlieue qui s’embrase, les acteurs « non professionnels » ajoutent de la sincérité aux situations et aux réalismes.
Un film important, à voir pour le fond et la forme.


Dominique P, le 25 novembre 2019

 

 

Quelle tension ! Elle s’installe dès les premières scènes, pourtant festives, et ne fait que croitre pendant tout le film. La chronique d’un drame dont on perçoit assez rapidement qu’il est inexorable.
Tout va vite, très vite. Sur deux jours. C’est concentré, compact. Peut-être un poil trop ? On sent bien que Ladj Ly a tant à dire ! Et il le dit avec force, conviction, intelligence.
Pris dans le tourbillon, on perçoit néanmoins la grande complexité des choses, des rapports de pouvoirs, de dominations. On perçoit la misère, terreau de la violence. On perçoit les réseaux, les systèmes mafieux. Leur puissance et leur fragilité. On voit aussi les individus, leur destin et leurs doutes. C’est assez subtil de ce point de vue (à l’exception peut-être de la communauté gitane, … quand même largement caricaturée ! Dommage).
Un grand film qui fait froid dans le dos. Un film d’aujourd’hui qui parle de nous et de notre société. Aucun doute, c’est une réalité, même s’il y a aussi beaucoup d’autres réalités, plus constructives, dans les quartiers.


Thierry D., le 26 novembre 2019

 

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