Comme dirait l'écrivaine
Nancy Huston, la famille, what else ? Roschdy Zem va chercher dans
sa propre famille le point de départ de cette histoire, un
frère ayant subi un traumatisme crânien et qui se met
à se comporter et à parler sans filtres, générant
un cataclysme de sentiments, d'affrontements, de basculements. Il
est aussi allé chercher sa famille de cinéma, les
acteurs et les actrices qui comptent pour lui, et il les a installés
dans un dispositif à la fois très chaleureux et très
perturbant. Filmant en plan-séquence mais avec deux caméras,
laissant les interprètes improviser sur une trame, il obtient
d'eux une vérité saisissante, loin, très loin
de la "qualité française", faite de maitrise
et d'élégance. Il y a quelque chose du naturalisme
de Kechiche dans cet engagement des acteurs, mais sans les obsessions
sexuelles de ce dernier, et avec beaucoup plus d'humour. Roschdy
Zem surprend car ses films jusqu'à maintenant n'avaient pas
ce degré d'intimité, cette impression d'être
au cœur des échanges entre les personnages, cette radicalité
dans leurs actions et leurs paroles. Ce qu'il dit avec ce récit
sans fard et sans effets n'est pas nouveau : la famille, c'est toujours
compliqué, c'est de la haine et de l'amour mêlés,
ce sont des cris et des douceurs, des joies immenses et des accès
de désespoir. On pense alors à Desplechin, en moins
calculé, en moins écrit. Tout cela est formidablement
bien joué, par tous (on aurait envie de tous les citer),
autant dans le partage pendant un déjeuner en famille (on
est vraiment pas loin du couscous de La
graine et le mulet) que dans les engueulades que l'on croirait
définitives. C'est drôle et dur, c'est très
émouvant sans jamais être larmoyant. C'est LE film
de cet automne.