Mais de quelle mère parle-t-on
?
De la mère alitée, à l'hôpital, malade,
en "fin de vie" comme on dit, pour éviter le terme
"mourante" ? De la fille de cette mère, elle-même
mère d'une jeune fille qui peut-être un jour deviendra
elle aussi, mère ? De la mère éternelle, celle
que l'on rêve, celle qu'on fantasme, celle qu'on adore ou
bien celle qu'on hait parce qu'elle nous fait ou nous a fait tant
de mal…
Qui parle, dans ce récit signé Moretti, mais qui lui-même
incarne à l'écran un personnage bien loin de ce qu'il
est, tout en douceur, sérénité, compréhension,
compassion…? La sœur réalisatrice, qui partage
donc avec lui la même mère, celle qui porte les questions,
les doutes, les errances, les contradictions…? Ce pourrait
être alors, "notre mère" ?
Et le spectateur, dans tout ça ? Lui aussi a une mère.
Et il ne peut pas ne pas y penser. Pour se dire que par bien des
aspects, il s'y retrouve, dans cette attente de la disparition.
Mais qu'aussi, il en est bien loin, parce que sa mère a lui,
n'est pas comme cela, et encore moins comme ceci…
Difficile de ne pas faire abstraction de sa propre expérience,
et encore, je ne parle pas des personnes qui sont mères elles-mêmes
et qui iront voir cette Madre-là.
Le film fait se succéder des scènes plutôt banales
et attendues au vu du sujet, quelques unes aussi plutôt drôles
(celles avec John Turturro, surtout) et d'autres très étonnantes,
entre onirisme, rêve et fantastique, comme cette longue file
d'attente pour une œuvre de Wim Wenders, d'où sortent
des personnages qui s'adressent à la réalisatrice.
C'est parfois fellinien, voir almodovarien, ou iconoclaste, et parfois
allant chercher du côté du pathétique pour tirer
quelques larmes. Faussement modeste, l'ensemble peut émouvoir
terriblement, faire écarquiller les yeux de tant de splendeur
mais peut aussi agacer très fortement.