Film mythique par excellence,
perdu, retrouvé, remonté, détesté puis
réhabilité… l'œuvre de Fritz Lang est devenue
un objet filmique étrange, énorme, aux effets spéciaux
d'un autre âge mais encore d'une certaine efficacité.
C'est long, bavard (bizarre, pour un film muet), confus parce que
parcellaire et cela malgré les intertitres rajoutés,
mais l'ensemble conserve un curieux pouvoir de fascination. L'image
est splendide, un noir et blanc très net ou brumeux selon
les séquences. Les acteurs paraissent complètement
habités, dans une exacerbation permanente, tout est ultra
souligné, le désespoir comme l'enthousiasme…
Et l'histoire, dans tout ça ? Elle peut être sujette
à de nombreuses interprétations. On y parle de progrès,
d'organisation de la société, de liberté et
accessoirement d'amour. La liberté semble bafouée
par le progrès, mais celui-ci n'est pas réduit à
un rôle de coupable. La société décrite
est très compartimentée, et augure de bon nombre de
films de SF à venir. Mais ici, l'action qui montre les ouvriers
détruisant leur machine est très ambigüe, car
elle met en danger les enfants. La morale finale, écrite
en grosses lettres, "le cœur est le médiateur entre
les mains et le cerveau", est assez douteuse et quelque peu
nébuleuse… Ce serait donc par amour ou par amitié
que les ouvriers (les mains) obéiraient à leurs patrons
(le cerveau) ? Et en passant, les ouvriers ont-ils un cerveau ?
On comprend alors qu'un collaborateur de Fritz Lang d'inspiration
marxiste ait quitté le tournage. Le réalisateur lui-même
déclarait en 1959 qu'il n'aimait pas son film. Il reste cependant
un objet visuel et sonore étonnant, certainement en avance
sur son temps.