La réussite et le charme
de ce type de film tiennent à un fil, une note, un soupir.
Ici, tout fonctionne.
La fratrie n'a pas la vie facile mais le récit de leur parcours
n'est jamais plombant, il y a la légèreté nécessaire
mais sans que celle-ci n'affadisse le propos. Les quatre frères
ont chacun une personnalité bien marquée, ils sont
tous les quatre très différents les uns des autres
et pourtant ils s'aiment et se soutiennent, presque toujours. L'humour
ou le drame viennent de ces "presque". Parce que c'est
la vie, pas rectiligne, pas prévue d'avance. Le film montre
cela, cette succession d'événements ancrée
dans une réalité compliquée, faite de galères,
de renoncements, d'espoirs douchés, de faux semblants, mais
racontée d'une façon imperceptiblement décalée,
comme si cette réalité faisait naître des grains
de poésie, par la langue employée, populaire, riche,
imagée, inimitable, par l'énergie qu'ont les personnages,
une énergie qui n'est pas désespérée,
juste vitale : dans cette vie, si tu ne bouges pas, tu meurs. Et
puis au cœur de cette chronique familiale, dure et tellement
douce, il y a la rencontre improbable, et puis finalement pas si
improbable que ça, d'une cantatrice. Une vraie de vraie,
qui chante à vous en arracher des larmes, et pourtant une
sacrée nana qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, jamais,
ni par les voyous, ni par les flics. C'est Judith Chemla qui s'y
colle, et elle est formidable. Elle a une belle part de mystère,
quelque chose d'un ange à la peau dure et on ne saura jamais
d'où vient cette capacité à affronter les choses,
à les faire bouger, avec obstination et douceur.
Un vrai beau film, tourné plein sud, exactement là
où quelques années plus tôt, Kechiche avait
posé ses caméras pour La
graine et le mulet. Pas tout à fait un hasard.