Kechiche filme les petits riens,
les corps qui dorent, les mots répétés, les
regards tristes une seconde et les sourires, les grands sourires
sur les visages illuminés, les sourires infinis, et rien,
il ne se passe rien de vraiment grave, pas un seul événement,
des rancœurs et des non-dits, des mains qui frôlent,
des mains qui empoignent, des seins qui explosent de bonheur, des
cris d'amour, des murmures aussi, pas de drames, un sentiment de
jalousie perceptible mais non affirmé, une souffrance enfouie,
refoulée, puis qui submerge, mais le soleil toujours, le
soleil et rien d'autre, même la nuit, le soleil sur la peau
qui reste, qui brûle un peu, c'est rien, c'est rien qu'un
coup de soleil, un coup d'amour mais pas d'échanges de coups,
juste des jeux pour rire sur la plage, des filles qui se dénouent
les maillots pour faire sentir les tensions, pour les atténuer
aussi, les presque riens entre deux sirènes autour d'un prince,
un prince de rien, beau comme un prince tout de même, qui
voudrait dire les mots d'amour mais qui ne les sait pas ou croit
ne pas les savoir, qui hésite, qui esquive, une caresse,
une caresse sans toucher, juste avec les yeux, puis soudain les
corps dans l'eau qui s'emmêlent, qui jouent, à rien
encore, qui jouent comme des enfants, pour faire passer la chaleur,
pour sentir la vie qui vibre dans les corps, dans les mots, les
grandes phrases et aussi les petites, surtout les petites, les phrases
qu'on dit quand on ne sait pas quoi dire, pour faire passer la gêne,
des petites phrases de rien, mais c'est ça ton dialogue,
mais c'est rien, c'est rien de profond c'est rien oui mais c'est
tout, c'est tout ce qui fait l'instant, qui nous fait sentir au
cœur de ce qui se passe, de ce qui fait passer, un été
qui passe et c'est déjà fini, et rien n'est arrivé
et rien n'est accompli mais tout le sel de la mer et de la vie est
là, dans ces scènes d'une longueur infinie, dans la
chaleur de ces instants qui ne disent rien et tout à la fois,
Amin, sa mère, Céline, Ophélie, Tony, Charlotte,
Camélia et tous les autres, et les cheveux des filles, les
sourires des garçons, les garçons qui dansent, les
filles qui dansent, les fesses des filles, la lumière sur
les dos, l'ombre sur les ventres, le sentiment d'y être, au
milieu d'eux, au milieu de rien, au milieu de tout…