Ce sont deux
récits en parallèle qui nous sont offerts, à
quelques mois d'écart : l'un raconte comment une jeune femme
prend conscience progressivement qu'elle s'égare dans la secte
où elle a échoué, l'autre montre sa sœur
et le mari de celle-ci tenter de lui redonner un équilibre
après son évasion. Le premier récit devrait être
une plongée en enfer, et il n'est que douceur et harmonie,
en apparence. Les horreurs en tous genres qui se passent dans la secte
sont en effet plus suggérées que décrites, on
sent un malaise, de plus en plus profond au fur et à mesure
de l'intégration de la jeune femme mais il y a, de par la mise
en scène, une fluidité troublante, comme une impression
de bien être possible. Pas d'éclat de voix, tout semble
autorisé, sauf qu'en réalité, ce n'est pas le
cas. La scène où le gourou de la secte interprète
une chanson pour la nouvelle arrivante est tout à fait représentative
de cette fausse harmonie : la mélodie, les regards, l'écoute,
la voix, tout est comme illuminé, d'une sérénité
bienfaisante, sauf que les mots expriment la soumission, l'aliénation,
le rabaissement de la personnalité. C'est donc un enfer doux,
qui s'oppose au second récit, celui du retour à la vie
normale. Ce réveil pourrait être l'occasion d'un hymne
à la vie, au libre arbitre, à l'indépendance
d'esprit et de corps, en réaction aux préceptes sectaires.
Le couple formé par la sœur de la jeune femme et son mari
paraît équilibré, amoureux, accueillant la naufragée
avec générosité et délicatesse, bien qu'à
aucun moment ils ne comprennent d'où vient-elle. Mais les réactions
hors normes de l'échappée de l'enfer viennent progressivement
fêler cet équilibre, ce couple modèle a des failles
et leur incapacité à se mettre réellement à
l'écoute crée une ambiance trouble, avec un malaise
grandissant. On ne sait plus à qui se rattacher, la jeune femme
semble être perdue entre deux mondes (formidable interprétation
de Elizabeth Olsen, qui incarne complètement le personnage,
entre force absurde et fragilité extrême), et la sœur
et son mari, à force de glisser et de sentir qu'ils ne parviennent
pas à faire partager leur propre sérénité,
paraissent eux aussi perdus. La mise en scène accentue cette
impression de flottement, interrogeant le spectateur et faisant presque
passer le couple pour une autre sorte de secte… C'est fort,
très fort.