Mais où sont donc passées
l’hystérie et la gravité vitale des films de Doillon,
version vingtième siècle ? Dans ce mariage à
trois (ou à cinq, c’est encore plus riche en possibilités),
il y a du jeu, de la légèreté, des dialogues
parfois murmurés, les cris sont rares et lorsqu’ils jaillissent,
ils n’en prennent que plus de force. C’est un va-et-vient
de sentiments, de demi mensonges, directs ou par omission, on frôle
le vaudeville sans jamais y tomber, les portes ne sont jamais franchies
aux instants fatidiques et c’est tant mieux, pour la saveur
des situations, pour la subtilité des enchaînements.
Les points de vue adoptés par le réalisateur se multiplient,
le spectateur se retrouve dans la situation du voyeur omniscient et
cela peut mener à la jubilation devant ces duos, parfois trios
ou quatuors (le cinquième élément n’étant
qu’un observateur, n’intervenant pas dans le jeu des sentiments)
se répétant à l’infini, se nuançant
comme une fugue de Bach. La sensualité des corps fait que l’ont
peut aussi évoquer un ballet, mais les mots et les contrastes
des voix et des dictions (ah, celle de Julie Depardieu, un petit régal…)
apportent tellement de couleurs que le rapport à la danse paraît
réducteur.
Bien sûr, tout cela s’apparente à un jeu qui parfois
peut faire rire, ou exaspérer, ou fasciner de par sa construction
savante. On peut aussi trouver que l’enchaînement des
scènes finit par tourner en rond, à vide, sans débouchés,
sans prise sur la réalité. Qu’importe, le plaisir
donné par les acteurs est plus important que l’aspect
peut-être un peu théorique et vain du scénario.
Si Pascal Greggory et Louis Garrel font ce qu’on attend d’eux,
sans véritablement surprendre (si ce n’est qu’ils
le font très bien, et pour Louis Garrel, c’est une surprise…),
les deux femmes, Julie Depardieu et Agathe Bonitzer, anges volcaniques,
se comportent comme des diablesses manipulatrices ou amoureuses d’une
douceur hypnotisante, ce sont elles qui donnent le rythme, elles sont
le cœur du film.