Manchester by the sea n'est pas
Manchester en Angleterre, c'est quelque part aux Etats Unis, et
visiblement ce n'est pas en Floride. Il fait un froid de canard,
le bord de mer est plutôt mélancolique et la population
ne semble pas richissime. Dans cet univers, un personnage joué
par Casey Affleck, le frère de l'autre, pourvu d'une voix
déchirante et d'une paire d'yeux de cocker, se retrouve tuteur
de son neveu, un ado insupportable comme un ado, touchant comme
un ado, bref, un ado. La solitude de cet homme, les souvenirs qui
lui reviennent, son histoire personnelle, tout est là pour
donner naissance à un grand mélo, ou à une
chronique du désespoir ou à une machine à questionnements
multiples sur la transmission, la famille, la culpabilité,
le pardon, la résilience, le deuil, et toute cette sorte
de choses qui font que la vie n'est jamais un long fleuve tranquille.
Le scénario a la grande intelligence de ne répondre
à aucune question de façon tranchée, de ne
pas enfermer les personnages dans des archétypes, de ne pas
les juger. Cela ressemble à la vie, en somme.
Mais la forme est d'une platitude très décevante.
Le récit et la mise en scène, bien plombés
par un montage sans grâce et des musiques redondantes (scène
dramatique : adagio d'Albinoni !) font de cette histoire une sorte
de compil d'épisodes tragiques d'une série télé
filmée à la truelle. L'image est formidablement laide,
d'une netteté qui exclut toute poésie. Les plans se
succèdent, explicatifs, montrant bien les lieux, les époques.
C'est désespérément carré (l'un des
premiers plans est un exemple frappant : on voit un bateau de pêche
sur la mer, il avance, vu de trois quarts, la caméra le suit,
impeccablement, rien ne bouge, sauf le bateau, l'image est super
nette, ça dure une vingtaine de secondes et ça ne
montre que cela, un bateau sur la mer, ça n'a strictement
aucun intérêt). Pas de flou, pas de contemplation,
rien que du factuel. Ce serait une tragédie sociale à
la Ken Loach, on applaudirait. Ici, cela se joue sur les sentiments,
les souvenirs, la fragilité des relations humaines. La raideur
ou la distance, cela serait acceptable mais la platitude, ça
ne passe pas, tout reste au ras des pâquerettes (ou du varech).