Ah tiens, voilà enfin une
vision de Paris qui ressemble à la réalité, loin
des incongruités touristiques de Woody Allen. Le plus étonnant,
c'est que c'est à un chinois qu'on les doit, ces ambiances
de l'est et du nord parisiens, sans luxe ni monuments. Dans ce décor
gris mais formidablement vivant, éclot une histoire d'amour
à l'image du titre du film : "love and bruises",
littéralement "amour et bleus", entre une étudiante
chinoise et un jeune banlieusard, qui vit de petits boulots. Contrastes
dans tous les sens, opposition des projets de vie et des références
culturelles, incompatibilité des comportements face aux aléas
de la vie et des fluctuations des sentiments ou du désir…
D'un côté, les mots sont frustres, maladroits, les gestes
violents, traduisant une personnalité à fleur de peau;
en face, la parole fait souvent place au silence, le corps ne sait
plus s'il se soumet ou s'il cède à la pulsion. Cette
relation chaotique mais passionnelle est parfaitement bien rendue
par une caméra très mobile, tournant autour des personnages,
tentant de saisir leurs expressions, le plus souvent au plus près
des visages ou des corps. On ne comprend pas toujours ce qui anime
l'un et l'autre, mais n'est-ce pas parfois ainsi lorsqu'on aime ?
L'interprétation fiévreuse et très inspirée
de Corinne Yam et de Tahar Rahim donne beaucoup de rythme et un sentiment
de cinéma en liberté. Concernant l'histoire et les personnages,
il y a tout de même un manque d'évolution et comme une
prédestination, la jeune Hua étant marquée par
l'indécision et une certaine inconscience, et les hommes, tous
autant qu'ils sont, manquent singulièrement de délicatesse…