Déroutant et réjouissant,
drôle et cruel, absolument pas consensuel et terriblement
séduisant, ce film est un paradoxe à lui tout seul.
Les données de départ sont dures à avaler,
reposant sur une situation sociale imaginaire (quoique…) :
le Monde se divise en deux, d'un côté les personnes
qui vivent en couple et donc dans la légalité, d'un
autre côté les personnes seules et qui, si elles ne
trouvent pas de compagne/compagnon, sont transformées en
animal. Au choix, l'animal. Mince consolation. Si l'on résiste,
et qu'on ne veut pas se plier à cette règle, on devient
un "solitaire", sorte de clandestin vivant dans la forêt
(et croisant de temps à autre un animal dont on se doute
bien qu'il fut un humain, autrefois), sous la coupe de petits chefs
imposant eux aussi une discipline draconienne, avec interdiction
de flirter, d'aimer…
Ce postulat ahurissant donne naissance à un récit
somme toute classique, avec passage d'un camp à l'autre,
interrogation sur eux-mêmes de la plupart des personnages.
Même si parfois le déroulé souffre de quelques
faiblesses scénaristiques ou de longueurs et répétitions,
l'ensemble est d'une grande rigueur, évoquant sous l'aspect
complètement déjanté, à la fois ludique
et terrorisant, l'amour, les relations amoureuses, le couple dans
notre société. Ce qui en est dit ne fait pas rêver,
le propos, malgré l'humour, est d'une noirceur absolue. Car
cette société imaginaire, mais actuelle (les véhicules
et les bâtiments sont contemporains) ressemble à la
nôtre, bien sûr, si l'on pousse à fond certains
curseurs de l'absurdité quotidienne qui nous entoure, ou
bien si l'on accepte de se rendre compte de la fausse liberté
de choix sociaux que nous avons dans nos relations.
Avec un casting hallucinant et très cosmopolite, des choix
de mise en scène radicaux, des ruptures de rythme et de ton,
une belle mise en valeur des décors ce film gréco-néerlando-britanno-franco-irlandais
est une belle surprise, bien sombre sous son apparence de comédie.