Lorsque deux gardiens de phare
s'installent sur une île battue par les vents et doivent assurer
pendant quatre semaines l'entretien et le fonctionnement d'un phare,
même en cas de tempête, et que ces deux hommes semblent
avoir quelques soucis avec leurs névroses, leur passé
trouble, leurs secrets, leur rapport à l'autorité
(l'un est le chef de l'autre) et à l'alcool, il y a fort
à parier que les choses ne se passent pas tout à fait
sereinement. D'ailleurs, si c'était le cas, il n'y aurait
pas de film. Et film il y a. Film d'horreur ? Pas vraiment, mais
film cauchemardesque, oui, c'est certain. Assez difficile à
endurer, en tant que spectateur. On peut même se demander
ce que, nous, assis dans nos fauteuils, avons fait de si terrible
au réalisateur pour qu'il nous inflige une telle épreuve.
Epreuve visuelle, tant les images sont crues. La boue, le sang,
la terre, les nuées d'eau froide vous tombent dessus, on
nage dans cette fange, c'est formidablement bien rendu, même
en noir et blanc, mais c'est assez insupportable. Tout le contraire
du film confortable. Epreuve sonore aussi, avec une musique…
vraiment, une musique ? disons un maelstrom de sons, chaotique,
strident, épuisant. Du vent force 12 en version musique contemporaine,
bien angoissante et qui vous met les oreilles en vrille.
Et tout cela n'est absolument pas gratuit, cette maestria est au
service d'un récit d'une noirceur sans nom, sans aucun filet
d'espoir, des personnages détruits qui glissent dans une
folie très sombre, une humanité réduite au
minimum, comme le cadre choisi, un carré radical qui enferme,
qui meurtrit, qui empêche la moindre respiration. Quand le
générique de fin commence, c'est une délivrance.
Superbe et horrible film.