Et pourtant, les années
70, qu'est-ce que ça peut être laid et criard…
Là, bien sûr le contexte historique, politique et social
ne disparaît pas, mais il a un parfum légèrement
suranné, quelque chose d'un peu dépassé mais
intemporel. C'est le portrait en creux d'une époque bénie,
ou que l'on croit bénie maintenant, où l'on pouvait
réaliser ses rêves, où rien ne semblait tout
à fait impossible, où une pénurie d'essence
ressemblait à un jeu de piste, où vendre des lits
à matelas d'eau paraissait simple comme bonjour et puis si
ça ne fonctionne pas, on passe aux flippers… Un grand
n'importe quoi, pas vraiment une histoire, juste deux personnages
qui traversent leur époque en courant – qu'est-ce qu'ils
peuvent courir…- et qui s'aiment sans le savoir, et qu'importe
qu'ils aient dix ans d'écart. Lui ressemble à un nounours
en miel, le genre de type à qui on ne peut pas dire non,
parce que son sourire ferait se liquéfier une statue. Elle,
son visage n'est pas celui que l'on voit dans les magazines, mais
l'énergie qu'elle a, c'est un feu d'artifice imprévisible.
Langue acérée, sens de la réplique qui tue,
la fille qui ne se laisse pas faire, et parfois océan de
fragilité. Les deux acteurs sont inconnus du grand public,
mais ils crèvent l'écran, ils l'explosent. Paul Thomas
Anderson semble leur laisser une part d'improvisation tant les choses
sont naturelles entre eux deux, mais c'est de la dentelle, de la
haute couture, le bordel apparent est formidablement maitrisé,
pour un plaisir de spectateur qui dure d'un bout à l'autre,
rien n'est attendu, tout est possible.
