Qu'est-ce qui attire un spectateur
lambda parisien dans une salle de cinéma pour voir un film
polonais traitant de la vie familiale d'un peintre obscur ayant
œuvré essentiellement à la fin du vingtième
siècle et dont la peinture privilégiait les scènes
morbides ? Et qu'est-ce qui fait aussi que ce même spectateur
ne s'enfuit pas de la salle au bout d'une demi-heure, même
si dehors il fait gris et pluvieux et pourtant la lumière
y est plus joyeuse que tout au long de ce film particulièrement
déprimant ? Peut-être parce qu'à tout moment,
on espère que la narration va enfin décoller, partir
en vrille et échapper aux innombrables disputes entre le
père (le peintre) et le fils (l'animateur radio) ? Peut-être
parce que cette famille qui ne tourne pas rond, c'est un peu, en
très exagéré, toutes les familles ? Peut-être
parce que, au détour d'une scène, au creux d'un dialogue
interminable, se loge une réplique bien sentie, qui tourne
en boucle dans l'esprit jusqu'à auto-extinction… ?
L'image est terne et redondante par rapport au propos, le mélange
des prises de vues classiques et des (fausses ?) images vidéo
prises par les membres de la famille Beksinski finit par lasser
parce que versant dans un systématisme vain, le récit
somme toute plutôt classique n'emporte jamais le spectateur,
ne reposant sur aucune passion, sur aucun attachement vis à
vis des personnages. Ces derniers n'inspirent pas d'empathie, d'abord
parce qu'ils n'en ont pas une once les uns envers les autres et
que le père comme le fils montrent beaucoup d'égocentrisme
et de prétention, ensuite parce le réalisateur reste
à distance, les filmant comme des étranges objets
vivants, parfois interloqué par leur manque de réaction
au moins vaguement chaleureuse lors de tous les évènements
qui rythment leurs vies (essentiellement, il faut bien le dire,
des morts et ce qui s'ensuit). Parfois vient l'idée qu'en
poussant le bouchon du morbide jusqu'au bout, cela aurait pu devenir
une comédie très noire, mais tout cela reste seulement
une succession de scènes de plus en plus déprimantes,
sur la vieillesse, la disparition, l'absence d'intérêt
pour la vie.