L’histoire du tournage est exemplaire, le réalisateur
ayant passé un an et demi dans un camp de gitans sédentarisés,
pour s’imprégner de l’ambiance, afin d’inscrire
son film dans un contexte réaliste, en évitant les fantasmes,
sans noircir, ni édulcorer. Puis c’est l’installation
d’un atelier théâtre pour les enfants au sein même
du camp, et finalement le choix des acteurs, à qui il impose
la présence parmi eux d’un arabe, un "bicot"
: la confrontation est violente, les injures fusent… Rien n’a
été facile, et cette tension se sent à l’écran.
Il y a une énergie énorme chez ces apprentis acteurs,
et la mise en scène transpire elle aussi de ces forces en mouvement.
On est constamment sur le qui-vive, le pire est en suspension, chaque
dérapage peut être grave.
A contrario, le récit lui-même est un peu relâché,
comme si tous les efforts s’étaient portés sur
l’aspect réel des évènements, comme si
toute l’énergie reléguait l’histoire au
second plan. Du coup, on se croirait parfois devant un reportage,
brillant, tendu, précis, ne passant pas à côté
des problèmes, mais sans véritable scénario :
il s’agit plus d’une succession de scènes descriptives
que de l’évolution de personnages. L’issue tragique
apparaît donc un peu forcée, et n’a pas la même
force que son contexte.
Cela reste tout de même un film étonnant, éclairant
violemment une communauté dont on ne connaît que les
clichés et les fantasmes.