Ce premier film pakistanais frappe
d'abord par son univers singulier, ses choix formels délibérés
et assumés. Un cadre en 4/3 qui ici n'a rien d'enfermant,
des éclairages chauds et doux donnant une impression de sensualité
sans aucun effet racoleur, un récit plein d'ellipses qui
laisse la part belle à l'imaginaire du spectateur, une photographie
très étudiée par ses cadrages décalés,
ses mises au point changeantes, ses zooms sans fin…
Toute cette très belle facture s'évanouit brutalement
lors des scènes de cabaret, plus crues, froides, laissant
transparaitre une certaine laideur, une sorte d'amateurisme voulu.
Il y a un écart vertigineux entre la délicatesse infinie
de l'image d'un linceul, un nœud sur un tissu blanc, et une
demi-douzaine de danseurs pas très assurés se trémoussant
de façon un peu vulgaire sur une musique sans âme.
Le scénario navigue avec le personnage principal entre ces
deux atmosphères, d'une part le cocon familial certes chaleureux
mais bridé par les conventions sociales, et d'autre part
le monde de la nuit, parfois sordide, parfois féérique,
en apparence beaucoup plus libre. Mais rien n'est figé, il
se passe aussi des choses étranges dans l'appartement familial,
et le cabaret est régi par des codes bien rigides. L'histoire
d'amour ou de désir qui prend naissance à la lisière
de ces deux mondes peine à embarquer, elle paraît un
peu artificielle, fabriquée : il y a peut-être trop
de complexité dans ce qui émeut le personnage qui
tombe en extase face au danseur transgenre : que va-t-il chercher
et trouver éventuellement ? une image féminine exacerbée
? une expérience homosexuelle ? une fuite en avant pour échapper
à une relation de couple non désirée ? tout
à la fois ? La scène finale en bord de mer éclaire
bien peu, se voit-elle comme un épilogue ? un rêve
symbolique ? un chemin vers la liberté ou un suicide ?
Au final, on retient plus la forme (délicatement sublime)
que le fond (peut-être trop flou) de ce film tout de même
étonnant dont le réalisateur sera certainement très
attendu pour la suite de son œuvre.