Joshua **

George Ratliff

L'histoire

Un jeune couple de Manhattan coule des jours heureux quand arrive leur second enfant. Cet événement révélera le côté sombre de leur premier fils, Joshua et transformera les relations au sein du foyer familial.

Avec

Sam Rockwell, Vera Farmiga, Celia Weston, Jacob Kogan, Dallas Roberts

Sorti

le 30 avril 2008

La fiche allociné

 

 

 

La critique d'al 1

Dérèglement familial délectable

Attention, voici un petit bijou d’angoisse, un concentré inventif de psychose familiale. C’est un premier long métrage qui révèle une grande rigueur et une inventivité constante dans la mise en scène, reprenant quelques clichés du cinéma d’épouvante, pour mieux les bouleverser, pour les tordre et nous les faire voir avec un regard légèrement décalé : d’où un malaise délectable. Malaise parce que le sujet touche au plus profond, la relation parents enfant est au cœur du dérèglement montré, sans manichéisme, avec un père et une mère comme on en voit partout, assurant avec ferveur l’éducation de leur fils, aimant, s’interrogeant, s’angoissant, puis démunis, défaits par quelques mots, un regard, un sentiment refoulé qui éclate. Quel parent n’a pas un jour été complètement déstabilisé par une parole de leur enfant ? Ici, ce "tu n’es pas obligé de m’aimer" d’un fils à son père sonne comme une attaque frontale d’un tabou familial immuable : il est évident qu’un père ne peut qu’aimer son fils, il le doit, c’est ainsi et ça ne peut être autrement. Sauf que dans la réalité, ce sont juste des êtres humains, qui s’aiment, s’ignorent ou se détestent.
La qualité du récit (et de l’angoisse sous-jacente) vient d’une multitude d’éléments, mais ce qui frappe, c’est que le déséquilibre grandissant provient des paroles et des gestes de tous les personnages, pas seulement ceux de l’enfant : ce dernier est celui par qui les choses arrivent, mais les autres ont aussi leurs maladresses, leurs peurs, leurs errements, leur comportement destructeur. La sérénité de cette famille (de toutes les familles ?) est incroyablement fragile, ce ne sont que des micro-événements qui la mettent en péril.
Mais, paradoxalement, ce malaise profond est aussi source de plaisir : la photo jouant sur les ambiances chaudes et froides, le cadrage créant une impression d’étrangeté là où tout n’est que normalité, la bande son formidablement travaillée, le montage syncopé, les transitions particulièrement soignées, tout est propice aux frémissements. L’humour n’est jamais très loin de la terreur, comme dans cette scène à la fois convenue et hallucinante de l’audition dans l’école de musique : Joshua, en dynamitant son morceau tout en lui donnant une âme (sombre), tétanise tous les parents spectateurs qui ont écouté auparavant avec ravissement leurs chérubins massacrant en toute innocence leurs airs consciencieusement répétés : c’est drôle et mordant, puis le rire se fige, les sentiments et les émotions se brisent, c’est un kaléidoscope d’impressions.
George Ratliff, très attentif à tous les aspects techniques, n’oublie pas non plus ses acteurs : ils sont formidablement dirigés, l’évolution des deux parents (Sam Rockwell et Vera Farmiga) est exemplaire, l’enfant (Jacob Kogan) au visage d’ange impassible est tout simplement parfait : froid et inquiétant sans jamais hausser un sourcil.
La diffusion de ce film (11 écrans en France !) est ridicule au regard de sa qualité. Si vous avez l’occasion, ne le ratez pas, mais vous êtes prévenus : votre regard sur la famille (votre propre foyer ?) peut en être bouleversé…

 

 

 

 

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