Il y a l'Histoire officielle,
et les récits que l'on peut broder autour des faits et des
personnages historiques entourés de mystères, de supputations,
de fantasmes. Ici, ce qui est raconté de la relation entre
Henri VIII et sa dernière femme sera sans doute remis en
cause par quelques spécialistes de la période. Mais
ce n'est pas cela qui est important. Il y a là quelque chose
d'éminemment contemporain dans la façon de montrer
ces personnages, avec l'inimaginable brutalité faite aux
femmes d'une part, et dans la description des manœuvres entre
puissants pour s'arroger le pouvoir d'autre part. Qu'importe que
ce soit ici une histoire de religion, de ce que l'on croit et de
la façon dont on le propage, l'essentiel est bien dans les
rivalités entre le roi, sa femme et la cour, pour imposer
chacun leur vision de ce qui doit être et ne pas être.
L'ambiance de cette cour, à l'intérieur d'un palais
sombre dont le faste n'est pas si flamboyant que cela (et on y croit
donc d'autant plus), est formidablement rendue. C'est bien de vie
et de mort dont il s'agit. Tout a son importance vitale : chaque
parole, chaque regard, même la façon dont les personnages
s'écoutent ou s'ignorent. C'est un jeu peut-être, mais
un jeu cruel, aux conséquences capitales. On peut être
pris par cet imbroglio de stratégies qui se croisent, par
les comportements effarants de la part de ceux qui gouvernent, on
peut aussi être en admiration devant cette femme qui n'a que
ses mots, ses convictions et sa détermination pour survivre
face à la toute puissance masculine de l'époque. Jude
Law, en monstre royal, est très difficilement reconnaissable,
c'est une performance incroyable de sa part. Mais celle qui domine,
c'est bien Alicia Vikander, avec un jeu plus subtil, plus intériorisé,
elle fait croire à cette reine meurtrie, résiliente,
dotée d'une magnifique pulsion de vie.