Certains documentaires rendent
compte de ce qui anime les humains de telle façon qu'ils
distillent une émotion terrible, comparable à celle
qui est procurée par la fiction, et même, parfois,
bien supérieure. Il en est ainsi de ce "Je suis",
qui accompagne pendant plusieurs mois trois patients victimes d'un
accident vasculaire cérébral. La caméra ne
quitte jamais le centre de rééducation où ils
sont soignés, créant ainsi une unité de lieu
mais où le temps –celui qui passe, celui qu'il fait-
imprime sa dimension à la fois inéluctable mais aussi
pleine d'espoir : deux des trois patients progressent dans la recouvrance
de leur propre conscience.
Ces trois-là sont filmés par Emmanuel Finkiel avec
un respect et une délicatesse extrêmes, et malgré
les gros plans, malgré les pleurs et les joies, il n'y a
aucun pathos, aucun apitoiement. Les visages et les corps sont montrés
tels quels, et parfois on peut être touché jusqu'à
la douleur, parce qu'il s'agit d'humains meurtris dans ce qu'ils
ont de plus précieux, de plus personnel… néanmoins
l'ensemble n'est pas sombre, il s'éclaire progressivement
et la lumière vient de l'intérieur, elle s'exprime
par un sourire, par un mot retrouvé, par un éclair
dans le regard…
Les propres évolutions des trois patients et les différences
de pathologies en font de véritables personnages de cinéma.
Les familles (parents, conjoints, enfants) et les membres du personnel
soignant (rééducateurs, psychologues, orthophonistes,…)
jouent sans jouer leurs rôles de personnages secondaires.
Les ellipses, les magnifiques images servant de plans de coupe et
les ambiances sonores emmènent l'ensemble à la lisière
d'une possible fiction poétique et puis le réel revient
et la vie, la vraie vie de ces gens qui pourraient être nous-mêmes
nous frappe, nous bouleverse.
On en sort différents, avec l'envie de profiter de chaque
moment de notre existence, avec la conscience de nos sentiments
si aiguë, si complexe… On est aussi profondément
admiratif de ceux qui entourent les patients, familles ou soignants,
et on peut se retrouver avec une envie évidente de changer
de métier, pour enfin être véritablement utile…