"Le cinéma français
ne sait plus raconter d’histoires, il n’y a plus de bons
scénarios…" C’est la rengaine habituelle de
ceux qui ne supportent plus les regards nombrilistes, intimistes et
psychologiques de bon nombre de productions actuelles hexagonales.
Pour ceux-là, cette adaptation d’un roman de Martin Suter
vient à point nommé. De l’histoire, il y en a,
sous la forme d’un secret de famille lourd, très lourd.
La façon dont il est finalement révélé
est plutôt paradoxale, le défaut de mémoire immédiate
s’accompagnant d’une sorte de mise à jour de souvenirs
anciens. La plongée dans le passé et le contexte social
(une famille bourgeoise provinciale) peuvent parfois faire penser
à Chabrol, mais sans l’acidité de ce dernier.
La mise en scène reste beaucoup trop sage, ne crée pas
de contrastes ou de déséquilibres. Le film est calibré
pour un public large et du coup, a tendance à ronronner gentiment,
au contraire de l’histoire et de ses mystères.
Mais pour notre plaisir, il y a les acteurs, tous impeccables, Depardieu
en tête. On peut tout dire sur lui, gloser sur son poids, son
nez, ses petits cris, sa démarche, son jeu qu’on pense
connaître par cœur… Il n’empêche, il
est énorme, à tous points de vue. Ici, il n’innove
pas beaucoup, c’est certain, mais on ne le lui demande pas.
Il fait croire à son personnage, tout en restant ce qu’il
est, prévisible et inimitable, comme Michel Simon en son temps…
Françoise Fabian et Niels Arestrup se hissent à sa hauteur,
ce qui n’est pas peu dire, leurs performances sont des petits
régals. Mais la révélation, c’est Alexandra
Maria Lara, imposant sa présence au milieu de tous ces monstres.
D’abord timide, effacée, elle finit par tenir tête,
autant par l’évolution de son personnage que par son
jeu empreint de force, de dignité, d’une grande élégance
un peu trouble, jusque dans les fêlures, l’indicible,
les illusions brisées…