Attention, c’est un Zabou
Breitman. Et Zabou Breitman, c’est la réalisatrice française
la plus brillante, la plus inventive, la plus capable de produire
de l’émotion.
Elle s’empare d’un roman de Gavalda, un peu faible, bien
moins intéressant que "Ensemble c’est tout",
basé sur le récit d’un adultère qui, si
magnifique soit-il, n’est qu’une histoire d’amour
comme le cinéma en a traité des wagons, et des bien
meilleures que celle-là.
Qu’allait donc faire Zabou Breitman dans cette galère
? Elle prouve qu’elle est capable, sur un matériau ordinaire,
de bâtir un film d’une très grande qualité.
Si les ressorts de l’histoire sont connus, si le récit
n’a rien de stupéfiant, on est toujours surpris de la
façon dont elle met les évènements en images,
sa mise en scène (maniérée pour certains journalistes
qui n’aiment pas le talent) est exceptionnelle, jamais gratuite,
toujours au service de l’histoire qu’elle raconte. Alors
oui, bien sûr, elle joue des enchaînements, des flous,
des contrastes, des cadrages qui attirent l’œil ; elle
accompagne ses images d’un travail sur le son hors normes, passionnant.
Cela se voit, cela s’entend, ce n’est pas du cinéma
modeste, elle veut en mettre plein la vue, elle veut que chacun soit
surpris, sur le qui-vive. Ce n’est pas tout à fait confortable,
mais c’est une réjouissance de tous les instants, un
grand bonheur de spectateur. Elle ne néglige pas pour autant
ses acteurs, tous les trois formidables : Marie-Josée Croze
est définitivement belle, attirante et pourtant atypique, sans
pour autant sombrer dans l’émotion facile. Daniel Auteuil
est incroyablement crédible, sans changements physiques majeurs,
aux deux périodes du récit : quadragénaire amoureux
et donc un peu emprunté, à l’exaltation bancale,
ou bien en grand-père résigné, meurtri, sans
étincelle dans le regard. Mais celle qui attire l’émotion,
c’est Florence Loiret-Caille, ne répondant absolument
pas aux canons de la beauté des magazines, et sans beaucoup
d’effets de sa part parvenant à faire ressentir le désespoir,
la destruction interne, l’immense abattement.
Au final, et avec un léger recul, il semble que ce sont plus
des instants, des fulgurances qui émeuvent que l’ensemble
de l’histoire, mais voilà, n’en déplaise
à certains, Zabou Breitman s’impose comme la réalisatrice
dont on attend le prochain film avec la plus grande impatience.