Drôle d'objet cinématographique.
Avec du style, c'est indéniable, et des partis pris de mise
en scène, de cadrage (des gros plans plutôt étonnants),
d'ambiance sonore (stridences des cris d'enfants)… Tout cela
n'est pas gratuit, il est aisé de comprendre que le réalisateur
veut montrer une société détestable, matérialiste,
gangrénée par l'argent, le paraître, les méfaits
de la télé. En cela, sa démonstration est assez
réussie : lorsque le film s'arrête, on peut être
très soulagé de quitter cette atmosphère étouffante
et pourtant glaciale, sans aucune chaleur dans les rapports humains.
Il ne provoque aucune empathie pour ses personnages, l'institutrice
comme l'enfant ne sont pas "aimables", que ce soit par
leurs actions, ou leurs paroles, ou leurs attitudes l'un envers
l'autre ou vers autrui. Si le but était de créer un
malaise, la mission est remplie, et même au delà, on
peut aller jusqu'à éprouver un dégoût
prononcé devant certaines scènes.
Le sujet qui constitue le point de départ du film est très
difficile à avaler : un très jeune enfant "écrit"
des poèmes (c'est à dire qu'il les dicte à
qui veut bien les transcrire) qui, au vu du vocabulaire et des thèmes,
pourraient avoir été créés par un adulte.
Ce postulat serait acceptable si ce qui en découlait était
un tant soit peu onirique, ou juste un peu lumineux… On peut
se demander à quel point ces "poèmes" sont
véritablement ses œuvres, ou bien une rémanence
de ceux que son oncle lui a lus (lui lit encore ? on l'ignore).
Ce petit Mozart israélien de la poésie, présenté
comme une sorte de victime du manque de considération pour
une culture différente, semble tellement irréel que
le récit qui tourne autour de lui peine énormément
à intéresser. La folie de l'institutrice qui se développe
à partir de la rencontre avec l'enfant pourrait être
plus crédible, si l'enfant lui-même l'était…
Le réalisateur affirme qu'il a lui-même écrit
une centaine de poèmes lorsqu'il avait l'âge du personnage
de son film, c'est donc en quelque sorte, et en partie, un récit
autobiographique, d'autant plus troublant que deux poèmes
que l'on entend font partie de sa propre production précoce.
Tout cela est bien étrange, et finalement cette étrangeté
empêche que l'on s'y intéresse. C'est un film froid
dans sa forme, et qui peut laisser de glace…