Quelle histoire ! Inspirée
de faits réels et du témoignage d'une femme médecin,
Madeleine
Pauliac, qui a tenu un journal intime lors d'une mission en
Pologne, et qui a sans doute vécu une partie de ce qui est
montré dans le film. Une partie seulement, puisque le personnage
est largement remanié. Jeune interne dans la fiction d'Anne
Fontaine, médecin chef déjà expérimentée
dans la réalité. On imagine que le reste a été
traité de même, mais ces arrangements avec la vérité
(et qu'est-ce que la vérité ?) ne nuisent pas au propos
du film : montrer comment la foi en Dieu résiste (ou pas)
à l'impensable horreur qui aboutit pourtant à quelques
folles espérances. Lorsque des femmes s'engagent comme elles
le font dans la religion, elles font vœu de chasteté
et n'imaginent pas, ne peuvent absolument pas concevoir qu'elles
pourraient être mères. Et pourtant, elles appellent
toutes l'une d'entre elle, leur "mère supérieure".
Les religieux ont un vocabulaire assez étonnant, quand on
y pense… Un petit détour par le divan, non ? Non, hors
sujet. D'accord. Continuons.
Le film ne s'intéresse pas qu'à ces religieuses confrontées
à des questions qui les dépassent. Le personnage principal
est une très jeune femme, médecin, non croyante mais
munie d'une autre foi, celle de l'Humanité et de l'impossibilité
de ne pas venir en aide aux êtres en souffrance. Elle est
issue d'un milieu ouvrier et communiste, un peu féministe,
un peu rebelle, et surtout vivante. Elle doute de ses amours et
de son avenir et c'est sans doute pour cela qu'il y a beaucoup de
crédibilité dans sa rencontre avec d'autres femmes
qui ont fait le choix déterminé d'une vie d'enfermement
et que les évènements dramatiques font basculer dans
un questionnement crucial. Si différentes par leurs choix
de vie, et pas si éloignées au bout du compte dans
leur errements respectifs.
Si l'histoire est effroyable, passionnante, terriblement et malheureusement
humaine, le récit est un peu trop sage, exposant presque
de façon pédagogique les différents enjeux.
Toutes les questions posées sont pertinentes, tous les personnages
remplissent leurs rôles prédéfinis, de la mère
supérieure d'une rigidité qui tourne au cliché
jusqu'à la jeune nonne qui veut rejoindre son fiancé
(!), en passant par la mère inférieure (hum, doit
pas s'appeler comme ça, disons la sous-chef du couvent) pleine
de doutes et ayant connu la vraie vie avant d'entrer dans les ordres,
et c'est pour cela qu'elle est plus ouverte… Les soldats russes
sont très vilains, le médecin-chef français
est très…français (c'est à dire sentimental
sans le savoir, drôle et charmeur), les enfants sont très
mignons (les bébés qui viennent de naître ont
tous déjà entre trois et six mois, c'est quand même
plus présentable…), les tenues des nonnes sont drôlement
bien repassées et super propres, la route pour aller au couvent
est enneigée et parfois interdite par les autorités
russes mais pas toujours, ce qui est bien arrangeant pour faire
avaler les petites incongruités du scénario.
L'interprétation des actrices polonaises est tout à
fait digne et crédible. En revanche, Lou de Laâge semble
bien jeune et récite son texte bien plus qu'elle ne le vit,
faisant très bien (trop bien pour être honnête)
la jeune femme pleine de valeurs, droite dans ses bottes, inattaquable.
Bien sûr, les émotions (particulièrement en
fin de projection) peuvent vous submerger, difficile de ne pas laisser
venir quelques larmes. Mais tout cela est tout de même très
convenu, très correct, exemplaire. Un film un peu trop rigide
pour une histoire de folie humaine.