Illusions perdues

Balzac est au scénario, et c'est la garantie d'un récit foisonnant, complexe, passionnant. Encore fallait-il en faire une adaptation à la hauteur de l'œuvre. Pari réussi, amplement. La facture est classique, c'est de la belle ouvrage, l'image est superbe, les décors et les costumes nous font croire d'emblée à cette France du 19ème siècle. Mais surtout, Giannoli parvient à nous intéresser à la fois aux destins des personnages, véritables héros de romans et ici de cinéma, grandioses et misérables, d'une humanité tout sauf simpliste, et à l'Histoire qui avance : celle des contre-pouvoirs, de la Presse et de ses futurs magnats, mais aussi celle du théâtre et de la littérature, l'Art en marche, balloté par les jeux financiers des uns et des autres. La mise en scène a de l'élégance et du rythme, toute dévouée au récit drôle et dramatique, sans fioritures. Les acteurs sont au diapason, ils ont une façon d'être très romanesque et en même temps très moderne, ils apportent beaucoup de vie à leurs personnages, tout ce qu'ils font et disent est tout à fait crédible, c'est puissant et subtil. Benjamin Voisin passe de la naïveté à l'arrogance avec bonheur, Salomé Dewaels est une vraie révélation, gourmande, bouffant la vie, effrontée et d'une fraicheur réjouissante.
Film à Césars, certainement, mais pas seulement : un film d'auteur qui ne fait pas le malin avec son histoire, la respectant pleinement.