C’est le film qui tua Gilliam...
la légende du film maudit, le tournage reporté, annulé,
les acteurs malades, les producteurs en conflit avec le réalisateur,
tout cela a contribué à créer une attente peut-être
démesurée pour ce Don Quichotte enfin (?) sur les
écrans. Le scénario multiplie les époques,
les univers, les films dans le film, les mises en abyme, avec flashback,
rêves, hallucinations et autres distorsions de la réalité.
Et là où le récit était parfaitement
maîtrisé, malgré son aspect délirant
ou particulièrement tordu, dans Brazil où
L’armée des douze singes, il est ici trop
souvent confus, lourd, répétitif, tiré par
les cheveux (les laborieuses circonvolutions pour faire défiler
les personnages en costumes…) plein d'auto-citations, lassant
pour finir car voulant tout embrasser, la malédiction, le
mythe, l'amour perdu, la repentance, l'impossible réparation,
les réfugiés (cette inclusion est d'une maladresse
confondante), le règlement de comptes avec les producteurs,
la folie comme excuse aux excès. La mise en scène
cherche à faire cohabiter l’humour et le grandiose,
mais aucune succession de gags ne parvient à déclencher
l’hilarité, par manque de rythme, de contrastes (tout
semble outré, et rien n’est vraiment mis en valeur)...
quant au grandiose, il y a comme une impression persistante que
les moyens mis en œuvre ne suivent pas les idées et
du coup, les grands mouvements de caméra et les très
grands angles tentent en vain de pallier le manque de spectaculaire.
Parfois, on entr’aperçoit ce que l’imagination
délirante de Gilliam aurait pu générer, comme
lors de l’apparition des trois géants boudinés
de la fin, sublimes et grotesques... mais la plupart du temps, les
images restent au ras des idées, comme ce malheureux Don
Quichotte juché sur un échafaudage condamné
à s'écrouler (?) dans une scène censée
monter en démesure et finir en apothéose, sauf que
la dite scène est dramatiquement confuse, on ne comprend
plus qui se moque, et pourquoi, ce qui est réel et ne l'est
pas, de qui a-t-on le point de vue…
Finalement, le mythe du film maudit, toujours repoussé, avait
beaucoup plus de panache, de mystère, de drôlerie et
d'intérêt que cet objet filmique boursouflé,
ringard, calamiteux…