Ce qu’il est (parfois) réjouissant
de voir deux abrutis s’affronter… Le premier est celui
dont le récit suit le point de vue. Il est designer, branché,
à la pointe de tout, pédant, et il porte sa bonne conscience
en étendard. Il habite dans une villa signé Le Corbusier,
et malgré son aisance de vie matérielle, pour rien au
monde on aurait envie d’être à sa place, sa fille
le déteste, sa femme est une casse-bonbons certifiée,
et comme il dit du mal de ses amis, on imagine qu’ils en font
de même. Et puis sa villa, franchement, elle a beau être
l’œuvre d’un architecte de renom, elle est chaleureuse
comme un congélateur vide.
L’autre abruti est le voisin du premier, c’est un gros
lourd, vulgaire, sûr et content de lui, n’hésitant
pas à montrer ses gros muscles graisseux pour se faire entendre.
Ses goûts sont immondes… selon son voisin (on peut dire
qu’il n’a pas tort, sur ce plan-là).
Le différent qui les réunit aussi bien qu’il les
fait s’affronter n’a pas une importance énorme,
c’est juste une fenêtre, une ouverture impossible qui
crée un vis-à-vis incroyablement proche, et complètement
inimaginable pour l’abruti branché. Il s’agit bien
sûr de montrer la différence sociale, intellectuelle,
culturelle, chacun ayant des valeurs diamétralement opposées.
Mais il y a aussi une description plutôt juste des rapports
de pouvoir qui s’instaurent entre deux personnes : la façon
dont l’un domine l’autre, les lâches arrangements
de celui qui se trouve dominé pour sauver les apparences avec
son entourage, les tentatives dénuées de tout courage
pour retourner la relation…
C’est souvent drôle, incisif, amer, très ironique,
d’une méchanceté redoutable, personne n’est
épargné. Mais c’est aussi un peu long : la situation
n’évoluant pas beaucoup, quelques scènes semblent
répétitives. De plus, les deux personnages, formidablement
bien joués (tout s’oppose, les discours, les corps, les
postures, les voix…), finissent par tomber dans la caricature
: on y perd en crédibilité ce qu’on gagne en humour
acide. Il n’empêche, ça faisait longtemps qu’un
film n’avait pas autant stigmatisé la crétinerie,
déclenchant les rires et aussi le malaise : on se reconnaît
parfois soi-même dans l’un ou l’autre de ces deux
imbéciles.