Le trop-plein de correspondances
intimes peut influer la façon dont on perçoit un film.
Cette heure d’été, où il est question d’une
maison de famille, de la succession après le décès
de sa propriétaire, des réactions de chacun, m’est
trop proche pour que je puisse avoir un avis objectif. L’émotion
violente suscitée par certains passages l’est autant,
sinon plus, au travers du parallèle que je peux faire avec
ce que je vis que pour les qualités propres au film. La critique
qui suit est donc à prendre par les pincettes de votre nécessaire
détachement.
Trois générations
confrontées à la question du souvenir, de la mémoire
familiale, du comment gérer son attachement aux lieux, aux
objets, au passé, tout en essayant d’imaginer ce que
pourrait être la vie future sans ces souvenirs matériels.
Olivier Assayas, après un film brillant dans sa forme mais
dénué d’émotions et de possibilités
d’identification (Boarding gate), retourne à un cinéma
plus abordable, par son thème et par son traitement.
Même si le milieu social décrit est clairement aisé,
plutôt intellectuel, les questions posées par les personnages
sont universelles, et toute la première partie, lorsque la
grand-mère vit encore, est magnifique de sincérité
et de finesse dans l’observation des rapports humains, aidée
par un montage rythmé, alternant les échanges d’une
belle vitalité et les instants d’intimité, doux,
pudiques, profonds.
Puis vient le décès, suivi de la douleur, mais pas seulement.
Malgré les divergences dans la fratrie, on sent leur complicité,
les personnages révélant d’autres facettes et
le récit a l’intelligence de ne pas sombrer dans le pathos,
l’émotion est beaucoup plus retenue.
Ensuite, comme si Assayas voulait à tout prix éviter
le trop-plein d’émotions, la distance avec le sujet devient
froideur, et lorsqu’il est de plus en plus question d’œuvres
d’art, avec beaucoup de discours sur leur place parmi les vivants,
le film devient un peu théorique, verbeux, totalement dépourvu
d’émotions.
Heureusement, comme un épilogue bouleversant, la place est
faite aux jeunes, avec ce mélange d’insouciance et de
fulgurante lucidité qui leur est propre. Cette dernière
partie est presque comme un court métrage, tant le contraste
avec ce qui précède est important. Elle a une liberté,
une fraîcheur, une joie mélancolique, avec son rythme,
sa structure, son éclatement apparent qui clôt le récit
sans pour autant le finir vraiment, parce que la vie doit continuer,
avec ou sans souvenirs.
Les images, certains dialogues, les personnages restent longtemps
en mémoire. Le film touchera certains spectateurs au plus profond,
d’autres non. Mais ainsi va la vie, ainsi va le cinéma,
qui n’est tout de même pas la vie…