Sean Penn est formidable. Peut-être
même un peu trop… Après avoir donné la palme
d’or à un film politique sans en avoir l’air (Entre
les murs), il incarne à la perfection Harvey Milk, cet homme
devenu politique et défendant la cause homosexuelle, un de
ces hommes dont l’Amérique est finalement assez fière,
comme elle l’est de Barack Obama, de Woody Allen ou de Lance
Armstrong : des gagnants malgré l’adversité, malgré
la différence, qui donnent une réalité au rêve
américain.
Sean Penn est donc formidable, on croit à son personnage, tout
en douceur et volonté et l’on se dit qu’il pourrait
incarner n’importe qui : un grand acteur, en somme. Il serait
intéressant de savoir ce que Clint Eastwood pense du film,
du personnage, de l’acteur. Il a permis à Sean Penn d’obtenir
son premier oscar pour son rôle dans Mystic river, il a reçu
du jury que l’acteur présidait à Cannes un prix
spécial pour l’ensemble de son œuvre, il y a comme
une relation de respect et de défiance entre les deux hommes,
l’un républicain, l’autre démocrate ; Clint
très entier dans ses prises de position politiques, Sean Penn
finalement opposant très respectable, presque un notable, devenu
consensuel avec le temps.
Pour en revenir au film, on ne voit que lui, Sean Penn. Il est partout,
derrière le porte-voix puis devant les micros, avec des cheveux
longs et en jean serré puis avec la cravate et le costume,
embrassant tout le monde (les hommes de préférence),
prenant des airs de conquérant ou de chien battu selon les
circonstances, ne paraissant pas porter l’âge qu’il
est censé avoir et puis si, finalement.
On vous l’aura dit, il est formidable.
Et Gus Van Sant, là dedans ?
Qui ça ?
Gus Van Sant, le réalisateur, l’auteur de Elephant et
de Paranoid Park, films furieusement inventifs, dont on peut penser
ce qu’on veut mais dont on ne peut pas ignorer la créativité.
Gus Van Sant a réalisé Harvey Milk ? Incroyable !
En effet, le film en lui-même est assez plat, il est dans la
lignée des innombrables panégyriques américains
louant la renommée d’un personnage historique illustre,
sans véritable personnalité, s’effaçant
derrière le héros, désespérément
factuel et chronologiquement linéaire, légèrement
ennuyeux. D’un quelconque faiseur de produit cinématographique
sorti de l’usine hollywoodienne, cela ne surprendrait pas. Mais
de Gus Van Sant, c’est terriblement décevant.