Hannah Arendt

Margarethe Von Trotta

L'histoire

1961. La philosophe juive allemande Hannah Arendt est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, responsable de la déportation de millions de juifs.
Les articles qu’elle publie et sa théorie de “La banalité du mal” déclenchent une controverse sans précédent.
Son obstination et l’exigence de sa pensée se heurtent à l’incompréhension de ses proches et provoquent son isolement.

Avec

Barbara Sukowa, Axel Milberg, Janet McTeer, Julia Jentsch, Klaus Pohl

Sorti

le 24 avril 2013

La fiche allociné

 

 

La critique d'al 1

La banalité du mal (et du film)

 

Le principal mérite du film, c'est qu'en sortant de la salle, on est fortement tenté d'en savoir plus, ou au moins d'avoir une autre vision de la philosophe Hanna Arendt, un autre point de vue que celui de la réalisatrice…
Cinématographiquement, c'est lourd et appuyé, avec des effets de caméra inutiles et bien trop voyants, monté bien platement avec des flash-back terriblement téléphonés… sur une musique mélancolique, les yeux dans le vague, l'esprit d'Hannah S'échappe, il n'est plus là, et bing, c'est gagné, on a le droit à un retour en arrière sur sa jeunesse, du temps où elle était éprise d'Heidegger…
Le récit s'appuie largement sur le procès d'Eichmann et des écrits qu'elle produit ensuite, créant une énorme polémique, à propos de la "banalité du mal" et surtout de la participation de juifs dans le processus d'extermination. Cela pourrait suffire mais il est aussi beaucoup question de ses amours, avec Heidegger (et donc flash-back…) et avec son mari, volage semble-t-il. La façon dont cela est montré est très répétitive et vite lassante. Le jeu de Barbara Sukowa est sans doute assez crédible (il faudrait demander aux contemporains d'Hanna Arendt), avec une jolie manière de tenir sa cigarette, mais il manque tout de même un peu d'imagination. Pour montrer le doute et la perplexité, elle enlève ses lunettes. Pour indiquer qu'elle reprend sa réflexion, elle remet ses lunettes. Pour la compassion…ah ça non, pas besoin, Hannah Arendt ne compatit pas.
Mise à part la médiocrité factuelle de l'œuvre, il reste donc toutes les questions que l'on peut se poser pendant et à la suite de la projection. Questions liées au propos du film et aussi à ce qu'il évite, le tout reposant essentiellement sur le procès Eichmann. Il semble que ce qui a mis le feu aux poudres et déclenché les foudres des critiques des contemporains de la philosophe, c'est l'affirmation selon laquelle des responsables juifs ont largement collaboré avec les nazis pour organiser la déportation. Beaucoup de lecteurs de ces allégations l'attaquent en lui reprochant qu'elle ne peut pas dire que le peuple juif a lui-même organisé la Shoah, ce qui ne semble pas être le propos d'Hanna Arendt, puisqu'elle met en cause certaines personnes seulement, et non pas l'ensemble du peuple juif, cette notion de peuple étant d'ailleurs rejetée par la philosophe.
Du coup, sa théorie sur la "banalité du mal" semble parfois passer au second plan, alors que c'est bien cela qui est au centre de sa réflexion. Elle observe qu'Eichmann se défend en affirmant qu'il n'a fait qu'obéir aux ordres, qu'il n'a assassiné personne. Elle avance alors que cet homme a perdu sa capacité de penser et donc de s'opposer ou de décider, qu'il n'est pas un monstre, mais que son manque d'autonomie intellectuelle lui ôte une partie de son humanité. Le mal vient donc aussi de la propension de l'Homme à agir sans volonté propre…
Elle présente aussi l'extermination des juifs comme un crime contre l'Humanité dans son ensemble, et non pas contre le peuple juif, ce qui pour nombre d'entre eux, est impossible à entendre. Elle refuse de prendre en compte la douleur collective, sa pensée est formidablement moderne et bouscule les consciences lorsqu'elle publie ses écrits à la suite du procès, mais cela intervient sans doute encore trop tôt pour beaucoup de ses amis et des juifs en général, qui vivent dans un traumatisme de masse. Tout cela est abordé par le film, qui se révèle donc fort intéressant dans le fond, mais plutôt médiocre dans sa forme.

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