Il n’y aurait pas eu la trilogie
Jason Bourne, la perception de ce film de guerre un peu politique
en serait changée.
Imaginons la vie sans "la mémoire dans la peau" et
ses suites, et l’on pourrait trouver de l’audace à
Paul Greengrass, qui met en cause de façon frontale les raisons
de l’entrée en guerre des USA contre l’Irak, avec
la recherche vaine des armes de destruction massive dans un pays en
guerre qui ne cherche pas à se défendre. Le spectateur
de 2010 sait que le personnage joué par Matt Damon ne trouvera
rien, pas d’arme chimique, pas d’usine de fabrication
de joujoux meurtriers. On attend donc, sans impatience grâce
au rythme qui est la marque de fabrique du réalisateur, que
le doute devienne dominant dans l’esprit de ce soldat valeureux
et un peu trop intelligent pour le rôle qu’on veut lui
faire tenir. George Bush n’est pas cité, juste "le
gouvernement", représenté par un bureaucrate qui
cherche encore à faire croire le plus longtemps possible que
l’armée américaine est là pour des "bonnes"
raisons.
On pourrait s’en tenir là, et trouver que décidément,
les cinéastes américains (d’accord, Greengrass
est anglais, mais c’est tout comme) sont plutôt forts
dans la critique de la politique de leur propre gouvernement. Mais
il y a le fantôme de Jason Bourne, et il est impossible de ne
pas le voir dans les (trop) nombreuses scènes d’action,
surtout que la célèbre trilogie a quelque chose à
voir avec le combat décrit ici : il détient une vérité
gênante et tout le monde lui en veut. Aussi, quand il court,
se défend, se retrouve seul, il redevient un personnage de
fiction, un objet de divertissement qui fait boum, paf et re-boum.
Du coup, l’attaque contre le mensonge des armes de destruction
massive perd de sa force et sa pertinence.
Il reste que le film se voit sans déplaisir, le récit
a le mérite de rester clair, la caméra à l’épaule
ne donne pas trop mal à la tête, il manque tout de même
un peu d’épaisseur aux personnages, particulièrement
à celui de Matt Damon, dont on ne sait rien en dehors de ses
acrobaties soldatesques.