Greenberg, comme un condensé
de green et d’iceberg, un bloc de glace écolo, une sorte
de paumé qui fait mal parce qu’il a mal. Une des phrases
qui revient dans le film, bien mieux en anglais que traduit, dit à
peu près que "les gens blessés blessent les autres"
(hurt people hurt people), ce qui est un joli résumé
du film. Ben Stiller, habitué des comédies plus ou moins
lourdes (plutôt plus que moins) interprète ce déprimé
grognon, beaucoup moins drôle que les acariâtres joués
par Bacri, mais avec tout de même plus de charme que les vieillards
qui se croient drôles, tendance Woody Allen. La cible principale
de cet amputé du sentiment, c’est la délicate
et bancale Florence, jouée à la perfection (c’est-à-dire
tout en gaucherie, en approximation, en hésitation…)
par Greta Gerwig, étonnante actrice, pas du tout la charmante
et jolie jeune première, mais plutôt une belle personne
comme on en rencontre parfois, entre la démarche mal assurée
de la godiche et la grâce absolue de la jeune fille à
la perle, selon l’instant, la lumière, le regard…
Entre ces deux-là, il se passe à la fois tout ce qu’on
attend d’une comédie romantique (les rendez-vous, les
premiers baisers, les "je t’attends, moi non plus")
et tout ce qui n’arrive jamais dans ce genre de film…
Le scénario s’en trouve un peu faible, en même
temps attendu et déstabilisant : on s’attache à
l’une, et c’est de l’autre que l’on parle
; lorsqu’on voudrait que des étincelles semées
naisse un brasier flamboyant, le récit s’attarde sur
une fête de jeunots (et jeunettes) sans intérêt,
riches en clichés.
L’ensemble s’avère un peu déprimant, parlant
avec finesse de la peur du couple et des sentiments, des dégâts
collatéraux occasionnés par la dépression, mais
sans développer une véritable histoire. C’est
une assez subtile observation de personnages qui se rencontrent, ça
ressemble à la vie, peut-être même un peu trop…