Mêlant la description clinique
des conditions de travail au sein d'une centrale nucléaire
et l'histoire d'une passion amoureuse qui submerge ses protagonistes,
"Grand central" est une œuvre débordante de
vie, jouant sur tous les sens, avec une lumière et un univers
sonore particulièrement travaillés. On n'est pas loin
de l'ambiance du roman "les vivants et les morts", de
Gérard Mordillat, où de la même façon,
les relations amoureuses fleurissaient dans un contexte professionnel
difficile.
Il y a aussi un parfum de tragédie des années 30-40
ou bien de l'immédiat après-guerre. Gourmet a des
airs de Gabin et l'hyper sensuelle Léa Seydoux a quelque
chose d'une star, un peu hors du temps. Les scènes au bord
de la rivière semblent inspirées par celles filmées
par Renoir ou d'autres réalisateurs de la même époque,
lorsque des personnages échangeaient au bord de l'eau des
banalités ou des paroles qui faisaient basculer leur vie…
Rebecca Zlotowski a su retrouver une partie de ce charme d'antan,
en y insufflant une atmosphère très contemporaine,
pas seulement en raison de la haute technicité de la centrale
(quoique, les hommes que l'on voit y travailler sont essentiellement
des manutentionnaires, certes habillés comme des cosmonautes,
mais dont la tâche est de déplacer des objets d'un
endroit à un autre, travail atemporel…) mais aussi
à l'aide du langage, très naturel mais exempt de tout
cliché.
A part une petite faiblesse dans la clarté du récit
en fin de parcours, le film est d'une grande qualité, à
la fois passionnant dans ce qu'il montre d'un univers professionnel
et incroyablement vibrant : les regards, les corps, les sentiments,
ça bouillonne, ça fait dresser le poil, ça
vit…