Petit préambule informatif
: si vous êtes vieux comme moi et commencez à avoir
une mauvaise vue, ne vous collez pas tout au fond du cinéma,
vous le regretteriez, le cadre, d'un panoramique bien classique,
passe à un 4:3 rapidement et le reste presque jusqu'au bout.
Et comme Wes Anderson aime les plans larges bourrés de détails,
vous risqueriez d'en louper une grande partie… C'est ce qui
m'est arrivé, j'en suis sorti chafouin, mouais, bof, pas
terrible… et comme mon accompagnatrice de cinéma favorite
qui est pourvue d'une vue bien perçante me disait, ah bon
? ah moi, si, j'ai adoré… je me suis dit que j'avais
sans doute dormi… Et puis, il faut bien l'avouer, l'histoire
m'a un peu échappé lors de l'épisode de la
prison. Les flashbacks, le rythme rapide, les actions éclatées
dans plusieurs endroits m'ont laissé sur le tapis, tel un
petit vieux grincheux perdu dans les films d'aujourd'hui et qui
regrette les scénarios bien linéaires des années
50.
Bref, j'y suis retourné, quatrième rang de face…
et, ah, oui, là j'ai tout vu ! (enfin, je crois) et j'ai
tout compris ! (je crois aussi)
Comme tous les films de Wes Anderson, c'est une œuvre foisonnante,
pleine de clins d'œil, où chaque plan est une mine de
pépites pour l'esprit et le regard. Le scénario mêle
habilement modernité et nostalgie d'un monde déchu,
c'est à la fois d'une grande gaieté et d'une tristesse
terrible. Si on parvient à se laisser prendre par le rythme
effréné, par le récit délirant à
multiples tiroirs, on passe presque deux heures avec le sourire
aux lèvres. Il apparaît un nouveau personnage toutes
les deux minutes, parfois dix en moins de temps qu'il ne faut pour
les compter (ah, la confrérie des clés croisées…)
et à chaque fois, c'est un régal : défini par
une attitude, un costume, un rictus, c'est un petit bonheur assuré.
Parfois on aimerait que le film se pose, qu'on puisse avoir une
ou deux minutes de contemplation, histoire de se reposer et de profiter
des images étonnantes. Mais Wes Anderson est un vrai créateur,
et son style est ainsi, rapide, incisif, léger jusqu'à
frôler l'inconsistance sans jamais y tomber, il ne s'appesantit
pas, il fonce, empruntant tous les détours possibles, mais
allant jusqu'au bout de son histoire, comme un Tim Burton sous euphorisant.
Ah, une dernière chose : quand vous rentrez chez vous, vous
cherchez la musique du film, que vous trouvez bien sûr, et
vous vous la passez en boucle, attention à l'accoutumance
!