Il y a d’abord une voix,
et une route qui défile. C’est très loin des
villes, et il faut certainement le vouloir, de venir ici, dans cet
espace hors du temps, hors de la modernité, où une
foule de personnes de tous âges viennent passer une semaine
pour apprendre et pratiquer la valse, la tarentelle, le fandango,
le rondeau et autres danses du monde, le plus souvent à deux
mais aussi en groupes, tout ça sur des parquets qui craquent
(un peu) entre des bâches en plastique. La route des premières
images mène à ce lieu, à cette île au
milieu des terres. Et puis il y a la voix, qui berce, qui danse
aussi à sa manière, douce et légèrement
mélancolique, qui explique mais pas tout, qui se perd un
peu en figures poétiques et c’est tant mieux parce
que ce film n’est pas tout à fait un documentaire qui
apprendrait comment se passent les choses, c’est aussi un
grand beau film de cinéma, avec des personnages éphémères,
de la lumière, des rires et des larmes, des rencontres, des
joies intenses et des amertumes aussi. Et puis la danse. Le mouvement
des corps, des pieds, des mains, les têtes qui se penchent,
se touchent, les bras qui saisissent, étreignent, relâchent,
retrouvent d’autres bras. Parfois c’est technique et
ça semble compliqué et parfois c’est tout simple,
presque naturel, comme improvisé, ça danse comme ça
respire, comme ça aime, comme ça pleure ou comme ça
rit. Pour peu que la danse en général vous émeuve
plus que n’importe quoi d’autre (ou presque), vous pouvez
vous retrouver la gorge serrée et des larmes d’un bout
à l’autre du film, accompagnées d’un sourire
permanent. C’est la formidable dualité de la danse,
de la vie, des sentiments. Quand l’accordéon suspend
son vol ou ralentit à l’extrême, les danseurs
s’arrêtent, frémissants, les regards s’échangent,
les peaux se caressent et prennent le temps d’explorer le
grain de l’autre, les mots muets restent dans l’air,
on aurait envie que cela dure encore, et aussi que le rythme reprenne,
on ne sait plus... on ne sait plus si l’on pleure à
cause de la beauté de l’instant ou si l’on sourit
par avance de ce qui va arriver, la reprise de la musique, du mouvement...
La réalisatrice a su saisir quelque chose du bonheur collectif,
mais aussi de l’intime. Peut-être parce qu’elle
fut, d’abord, simple participante de ce grand bal annuel pendant
plusieurs années et que lorsqu’elle a voulu filmer
l’événement de l’intérieur, elle
savait toute la charge d’émotions qui s’y trouvait.
Le résultat est magnifique.