Attention, grand film. Sobre,
digne, profond, maîtrisé de bout en bout, large, d’une
ambition rare dans le cinéma français. Intime et politique.
À la mise en scène très discrète, sans
aucun effet facile, et pourtant puissant, éclairant, un film
dossier qui dépasse le cadre du septième art. Plus
une confirmation qu’une révélation d’un
scandale absolu mais d’une utilité publique majeure.
Pas tout à fait étonnant qu’il y ait eu plusieurs
tentatives pour en empêcher la sortie. Et bravo aux juges
qui ont bravé le pouvoir de l’Eglise. À projeter
maintenant dans tous les lieux de culte.
Et pourtant la foi et l’athéisme ne sont jamais mis
en opposition, ce n’est pas un film anti-religieux, il a l’intelligence
de montrer l’ecclésiastique pédophile comme
un malade, il ne le condamne pas lui, mais peu à peu fait
la lumière sur sa hiérarchie coupable de tolérance
de faits intolérables.
Et surtout, il s’attache aux victimes, en prenant son temps,
faisant des portraits magnifiques de personnes très différentes
les unes des autres, montrant aussi leur entourage familial, leur
reconstruction (possible ou non, en cours ou achevée), ce
que la révélation de l’affaire transforme dans
leur vie et dans celles de leurs proches. L’organisation du
récit les dévoile l’un après l’autre,
et quand les trois personnages principaux sont réunis, tout
le film prend une épaisseur, une densité frappantes.
Ozon, pour ce Grâce à Dieu au titre si bien
trouvé, a mis de côté sa légèreté
et a fait une œuvre magistrale, sans doute celle de sa vie
de cinéaste. Il a su aussi mettre en avant ses comédiens,
Poupaud, Ménochet, Arlaud en premier bien sûr, crédibles,
émouvants, lumineux. Mais aussi tous les autres, ceux qui
jouent les ecclésiastiques comme ceux qui font les frères,
les enfants, les femmes ou les mères des victimes. Aurélia
Petit dans un rôle difficile, est absolument scotchante sans
en faire trop, la scène où elle se retrouve seule
avec Swann Arlaud et où la parole libérée prend
tout son sens, terriblement casse-gueule, est magnifique, simple
et complexe en même temps. Grand film.
Ça n’a peut-être rien à voir, quoique,
mais penser que ce chef d'oeuvre est en concurrence sur les écrans,
rien que par le titre, avec la sombre merde du bon dieu et de ce
que Clavier et compagnie ont pu lui faire... pauvre France, non
?