L'histoire est assez formidable,
et l'idée du décalage musical anachronique aussi.
Une poignée de jeunes filles, pensionnaires d'un orphelinat
à Venise au dix-huitième siècle, décident
de laisser libre cours à leur imaginaire musical et bousculent
les conventions imposées par l'Eglise et par quelques hommes
imbus d'eux-mêmes. Il y est question de sororité et
d'alliances contre l'ordre établi. Ces jeunes filles ont
toutes des passés compliqués, parfois dramatiques,
elles savent ce qu'est la différence, la singularité,
les secrets. Elles partagent leurs émotions, parfois sans
un mot. Tout cela est plutôt bien vu, et malgré l'aspect
caricatural de la gente masculine, la façon dont elles contrarient
les hommes est absolument réjouissante.
Reste la musique. Le récit oppose des œuvres baroques
(Vivaldi surtout) à ce qu'elles composent elles-mêmes,
faisant passer les unes pour des alignements de notes ennuyeux,
et les autres pour des morceaux débridés, pleins d'émotions
et de fougue. Et… cela ne fonctionne pas, la musique de Vivaldi
est dansante, riche, lumineuse, complexe. Ce que les jeunes filles
sont censées créer ressemble furieusement à
des musiques du monde (ça passe, surtout lorsqu'il y a des
influences africaines ou quand elles utilisent des sons du quotidien),
des balades pour ascenseur (du piano mélancolique sans saveur)
et finalement des chansons pop criardes. Céline Dion ou Chimène
Badi, même au dix-huitième siècle, ça
reste de la bouillie et en comparaison avec le baroque, c'est carrément
ridicule. Il en découle un gros problème d'adhésion
au message. Dommage !