Pour ceux qui seraient passés
à côté du fait divers dont s'inspire le film,
l'ouverture, sous la forme d'un écran vertical de téléphone
portable, remet tout le monde dans l'ambiance, un crime ? une bavure
? en tous cas un événement dramatique sur un quai
de métro, très médiatisé parce que représentatif
d'une certaine violence des banlieues américaines. Deux flics
blancs particulièrement énervés interpellent
quelques jeunes noirs ayant participé peu avant à
une bagarre. Le ton monte très vite, la procédure
policière est d'une agressivité sidérante,
les jeunes prennent peur et se débattent, on entend un coup
de feu. Un des jeunes est mortellement touché alors qu'il
est cloué au sol...
Ce prologue est la captation réelle du drame, visible sur
internet quelques heures après. La suite du film est un flashback
racontant la dernière journée du jeune homme. Cela
pourrait être édifiant, révoltant, ou tout simplement
désolant... On en sort avec une impression de malaise, comme
si tout cela était biaisé d'avance par la seule intention
d'en faire un film, une fiction. Dans quel but ? Pour quels spectateurs
?
Le réalisateur a déclaré vouloir redonner une
humanité à la victime, car le procès des policiers
fut bien sûr très politique, les uns décrivant
le jeune homme comme un ange n'ayant rien à se reprocher,
les autres l'accusant de tous les maux et ayant récolté
ce qu'il méritait. L'histoire de cette dernière journée
tente de lui redonner une certaine vérité, et en cela,
échoue lamentablement. C'est un ramassis de clichés
et de faits tellement démonstratifs qu'ils en deviennent
parfois drôles, à leurs dépens, comme cette
ridicule scène où l'on voit le héros pleurer
parce qu'un chien errant vient de se faire renverser par une voiture,
ou bien celle, non moins grossière, qui le montre jetant
son paquet d'herbe à la mer, parce qu'il décide de
ne plus risquer la prison et la honte de sa mère... Bien
sûr, tout n'est pas aussi nul, et il est bien difficile de
ne pas céder à l'émotion par moments, ou ne
pas être pris par le récit en forme de compte à
rebours, filmé au plus près, caméra au poing,
dans un style percutant et plutôt efficace.
Mais au final, la gêne l'emporte, la démonstration
étant bien trop voyante. N'aurait-il pas été
plus intéressant de montrer la journée des flics en
parallèle de celle de la future victime ? On aurait sans
doute compris (ou pas) pourquoi sont-ils dans un tel état
au moment de l'interpellation... Le film ne parlera qu'à
certains qui ont déjà choisi, depuis longtemps, leur
interprétation des faits. Un coup d'épée dans
l'eau, donc. Ou un coup de feu en l'air, ce qui n'est pas malheureusement
pas le cas.