De l’autre côté
du rêve américain, il y a les laissés pour compte,
les sans-grade, ceux dont la plus grande espérance est de pouvoir
se payer un mobile-home tout neuf, avec baignoire à jets, entièrement
moquetté et parfaitement isolé : pas besoin de dégeler
les tuyaux d’arrivée d’eau au chalumeau, au risque
de tout faire flamber. Cette misère sociale, générée
par un système économique de plus en plus gangrené
de l’intérieur, est ici simplement esquissée,
elle n’est que le décor, le contexte dans lequel se déroule
une histoire qui frôle la tragédie, qui à tout
moment pourrait basculer dans l’irrémédiable.
Mais parce que le souhait de la réalisatrice (également
auteur du scénario) n’est pas de sombrer dans le pathétique,
le récit maintient toujours ses personnages au bord de la chute,
préservant leur dignité morale.
On ne peut pas parler d’amitié entre les deux femmes,
il s’agit simplement de survie, et d’une sorte de reconnaissance
mutuelle dans la lutte pour ne pas tout perdre. Elles ne sont pas
magnifiques ou héroïques, comme dans tant d’autres
films américains, elles sont simplement humaines, et leurs
actions, malgré la teneur plutôt sombre de l’ensemble,
donnent des raisons d’espérer.
Par instants, le récit patine. La tension, palpable la plupart
du temps, retombe parfois à l’occasion de scènes
un peu laborieuses, mais au final, ces deux portraits de femmes restent
en mémoire, émouvants, parfaitement crédibles,
car la réalisatrice st parvenue à équilibrer
de façon subtile l’aspect social désespérant
et la part d’humanité, troublante et fragile, mais bien
présente.