Elle est plutôt étonnante,
cette histoire (vraie, comme il est dit au tout début). Deux
frères vivant à l'état sauvage dans la forêt
pendant sept ans, quelque part pendant leur enfance, puis retrouvés,
isolés l'un de l'autre pour se faire re-civiliser, gardant
le secret de cette période incroyable, et, une fois cinquantenaires
voir plus, rattrapés par leur passé, leurs zones d'ombre,
à tel point que la vie ordinaire peut leur paraître
insupportable. Le film raconte tout cela, ou à peu près,
avec quelques ellipses ou raccourcis. Le film raconte, trop sans
doute. Beaucoup trop, même. Il y a bien quelques scènes
de rêveries, qui flirtent avec l'onirisme. Il y a aussi du
flou dans le récit, mais on sent que cela n'est pas volontaire,
le réalisateur aurait sans doute préféré
fabriquer un véritable compte-rendu exhaustif de tout ce
qui a bien pu se passer entre les deux frangins. Le résultat
est donc un peu bancal, très naturaliste par moments, presque
imaginaire à d'autres, mais souvent trop simpliste. Les engrenages
du scénario grincent un peu, surlignés (les encarts
"six mois de forêt", "cinq ans de forêt",…
sont-ils vraiment nécessaires ?) comme si la structure éclatée
entre les différentes périodes (l'enfance, l'âge
adulte) ne pouvait pas tenir toute seule sans toutes ces explications.
C'est alors l'aspect film-dossier qui s'impose, au détriment
de tout ce que l'histoire aurait pu porter et qu'elle ne fait qu'effleurer,
la liberté, la perte de repères, les liens fraternels
indéfectibles, la force de vie, le don de soi. Le récit
est là et bien là, il expose les faits, mais il manque
le souffle épique, l'immensité de ce qu'ont vécu
les deux enfants. Au contraire, lorsqu'ils se retrouvent, adultes
et volontairement ermites quelques mois dans une autre forêt
encore plus hostile, la modestie et l'aspect dérisoire de
leur nouvelle expérience sont plutôt mieux suggérés.
Kassovitz et Attal sont parfaits, bourrus et tendres, virils et
démunis, beaux et brisés.