Oubliez la célèbre
série américaine avec le bon docteur Clooney, et plongez
dans les urgences débordées d'un hôpital parisien,
plus vraies que nature, où se croisent quelques individus,
un petit échantillon de la société française
mais qui en aucun cas ne se veut représentatif de quoi que
ce soit. Le constat de la décrépitude annoncée,
progressive et inéluctable des services de santé fait
froid dans le dos. Les infirmières, aides-soignantes ou médecins
ont beau faire tout ce qu'ils peuvent et même plus, on en
sort en se disant qu'il vaut mieux, par les temps qui courent, éviter
les accidents (ou faire pression sur nos gouvernants pour que les
choses changent... on peut rêver). Dans ce microcosme, un
couple aisé en instance de séparation dont les disputes
paraissent bien peu de choses au regard de ce qui l'entoure, et
un routier blessé lors d'une manifestation de gilets jaunes,
se côtoient, se jugent, s'opposent, s'allient, communiquent
un temps, par dessus la fracture sociale (celle du titre).
Et tout cela est formidablement orchestré par la réalisatrice
qui appuie peut-être un peu trop sur la comédie de
la rupture… et puis non, ces brancards qui claquent (à
défaut de portes) sont complètement nécessaires
pour bien appréhender l'immense bordel humain, les angoisses
des uns et des autres, la peur de la mort, le manque de considération,
l'impatience, et tout qui peut s'embraser d'un moment à l'autre,
malgré la solidarité, le dévouement des soignants,
l'humour qui n'est jamais loin...
Film à (très) grande émotion, il laisse le
spectateur groggy, en petits morceaux. Il y a une énergie
dingue. C'est un cinéma ultra vivant, ça gueule, ça
rigole, ça pleure, ça surprend, ça touche au
plus profond. Les acteurs (certains ne sont pas professionnels,
et ils sont formidables) sont investis totalement dans leurs rôles,
l'ensemble est au bord du documentaire et pourtant les personnages
ont chacun leur singularité qui évite les clichés
ou les attendus. Merci les artistes.