Ça ne tourne pas rond,
et pourtant ça tourne, parce que ça revient au point
de départ, une route dans le désert. Foxtrot
c'est un film et c'est aussi une danse (le réalisateur a
d'ailleurs travaillé à ses débuts avec le chorégraphe
Ohad Naharin), une danse qui pourrait ne jamais s'arrêter,
géométrique, tendant vers le carré… et
lorsqu'un soldat près d'une barrière improbable dressée
sur une route au milieu de nulle part montre les pas du foxtrot
à son compagnon de garde, laborieusement, en avant, puis
à droite, en arrière puis à gauche et recommence
et tout d'un coup la musique explose, les gestes du soldat partent
dans tous les sens, ce n'est plus un foxtrot, c'est une danse de
toute son âme qui n'en peut plus d'attendre, c'est complètement
inattendu, et c'est magnifique. Sur le côté de la route,
une Marylin de camionnette sourit de toutes ses dents et ne vous
demandez pas pourquoi elle est là, cette camionnette, ne
vous demandez pas non plus où ils sont, ces soldats, peut-être
ne le savent-ils pas eux-mêmes. Le père de l'un d'eux
le cherche et voudrait qu'il rentre à la maison, parce que
le ciel de la douleur lui est tombé sur la tête, parce
que le sol penche, parce qu'il a peur que son fils paye pour lui,
pour ce qu'il porte en lui. Le scénario est admirablement
construit, en trois actes : une comédie onirique et absurde,
une tragédie glacée, une rédemption intime…
et chacun de ces actes, dans l'ordre ou le désordre, répond
aux deux autres, si différents et pourtant si géométriques
tous les trois, cherchant la quadrature du cercle, ou la cerclitude
(?) du carré, tout est millimétré, cadré
à merveille, aucune image n'est banale, c'est mathématique
et poétique. Un bijou noir et brillant, désespéré,
avec des bouffées d'humour amer et dérisoire. Foxtrot
ne tourne pas rond, tout comme cette famille, comme ce pays, comme
ce monde qui se meurt avec des soubresauts sublimes.