Tout part d'une amitié
vaguement amoureuse entre deux filles, une façon de se comprendre
alors que tout les oppose. L'une (Legs) est libre de sa parole,
rebelle, refusant l'ordre établi, vraie meneuse charismatique
et fausse méchante. L'autre (Maddy) est plus raisonnable,
bien sûr, plus secrète, plus intelligente peut-être,
évitant les conflits surtout parce qu'elle ne sait pas les
affronter. Et ces deux-là se retrouvent au moins dans la
négation d'une société où le masculin
l'emporte.
Ensuite, parce que rien n'arrête Legs, parce que Maddy l'admire
de loin et de près, elles rassemblent autour d'elles d'autres
filles déçues par les hommes, et une mini société
secrète voit le jour… D'actions sans gravité
mais non sans panache, elles glissent peu à peu vers le sordide
et le crime. On ne sait ce qui a le plus intéressé
Laurent Cantet dans cette histoire, les faits ou l'ambiance, l'anecdotique
ou les liens profonds entre les filles. On reste accroché
au récit jusqu'au bout grâce aux personnages, nuancés,
pas caricaturaux, attachants, au contraire d'un exposé des
faits un peu répétitif, manquant d'emphase et de souffle.
Les jeunes actrices, pour la plupart non professionnelles, crèvent
l'écran, formidablement impliquées dans leurs rôles,
nous faisant aimer ces jeunes femmes pas toujours aimables mais
vivantes, révoltées, éclipsant totalement les
quelques hommes qui passent comme des ectoplasmes ou des ordures
(et là, la caricature n'est pas loin). On sent le film un
peu bancal, tiraillé entre d'une part la légitime
envie de donner la part belle aux comédiennes et à
leurs personnages, et d'autre part la volonté pas si nécessaire
que ça de dérouler une histoire où tout serait
d'époque, très clair et bien expliqué. Un peu
d'onirisme et de démesure n'aurait pas nui…