Elle est craquante, Moonee, mais 
              elle est aussi insupportable. Une pile électrique, pleine 
              de réparties cinglantes, six ans, pas polie du tout (mais 
              alors, pas du tout du tout), dotée d'une mère qui 
              l'adore et qu'elle adore, qui lui laisse tout faire et l'inciterait 
              presque à faire d'autres bêtises que celles qu'elle 
              invente toute seule… Moonee a de la joie à revendre, 
              une énergie inépuisable, un regard sur les gens sans 
              concessions. Elle vit dans l'instant présent, uniquement, 
              exactement comme sa mère. C'est la vie en rose, en rose et 
              en gras comme les sucreries et les glaces qu'elle s'enfile dès 
              qu'elle en trouve. Une vie en rose, et pourtant c'est la misère. 
              Pas de logement autre qu'une chambre dans un motel, Disneyland a 
              deux pas sans qu'elle puisse en profiter, une mère qui certes 
              l'adore mais qui ne lui donne ni les racines, ni les ailes. Juste 
              de l'air. De l'impossibilité de se construire avec un tel 
              manque de repères. Le gérant du motel (un personnage 
              formidable, un saint homme à tout faire), les services sociaux, 
              une amie de la mère qui loge dans une chambre voisine, et 
              puis une autre femme un peu plus âgée et qui en a vu 
              d'autres, tous sont autant de balises de détresse, des personnages 
              qui les uns après les autres renvoient des alertes à 
              la mère et à sa fille, qui leur montrent les limites, 
              en vain. La mère n'est pas une mère, elle est au mieux 
              une toute petite grande sœur qui n'empêcherait rien à 
              sa fille et qui lui donne en exemple une vie au final invivable. 
              La fille l'a-t-elle compris ou bien est-elle dans une pure insouciance 
              ? 
              Le film est terrible car il ne juge pas, il ne condamne personne. 
              Le spectateur a parfois envie d'applaudir cette liberté, 
              cette absence de contraintes, cette façon de vivre en dehors 
              des règles mais il y a aussi de quoi étrangler le 
              rire qui peut naître de ces quatre-cents coups contemporains 
              car il n'y a pas de rêve au bout, l'avenir est sombre et au 
              contraire de la mer de la scène finale du film de Truffaut, 
              le seul horizon possible est ici celui du château des illusions 
              de Disney.