Drôle de film, à propos d’une fille pas si drôle
que ça. On s’attend à un retour distancié
sur ce qui avait choqué la France médiatique lorsque
l’affaire avait éclaté. Petit rappel : en 2004,
fleurissent des agressions à caractère raciste et antisémite
et l’une d’elles (pourquoi celle-là, pourquoi à
ce moment précis ?) attire tous les regards et déclenche
tout un tas de déclarations apitoyées et volontaristes,
président de la République y compris. Deux jours plus
tard, le récit de l’agression en question s’avère
être l’œuvre d’une mythomane, ayant voulu se
faire remarquer par sa mère et son compagnon. Et comme à
chaque fois qu’un emballement médiatique a lieu à
tord, il y a un grand mea-culpa sur l’utilité de la vérification
des faits supposés.
Voir Téchiné, observateur généralement
fin des maux contemporains, revenir sur ce non-événement,
était plutôt intéressant. Mais le réalisateur,
prenant tous les spectateurs à contre-pied, fait un autre film
: le contexte médiatique est évacué, il n’apparaît
même pas en filigrane. Il reste à distance, pratiquement
ignoré, puisque les deux seuls points de vue sont celui de
la jeune fille qui ment, et celui de la famille de l’avocat
juif lié à l’affaire de façon complexe.
Mais si le film ne s’intéresse pas aux errances et aux
déferlements médiatiques, que traite-t-il ?
C’est dans l’absence précise de réponse
à cette question que le film s’écroule. On suit
une jeune fille, plus vraiment adolescente, pas encore adulte, mais
à part son élégance à la Gus Van Sant
lorsqu’elle se balade sur ses rollers, elle se révèle
assez terne, à la fois banale et pas très crédible.
Il y a aussi Catherine Deneuve, en nounou dans un pavillon de banlieue,
jouant avec trois marmots idylliques dans un bac à sable, absolument
irréelle. On rajoute là-dessus une famille juive bourgeoise
se posant mollement des questions de famille juive bourgeoise, une
histoire d’amour sans histoire dont on essaye en vain de nous
faire croire qu’elle est une tragédie.
On en ressort interloqué, se demandant quelles étaient
les intentions de Téchiné, à quel moment s’est-il
perdu dans cet imbroglio de semi-histoires à personnages théoriques
et sans réalité.
Il reste le souvenir un peu planant d’Emilie Dequenne glissant
sur ses rollers…