Grand film politique, peut-on lire
dans un journal bien pensant. Et d’y voir une allégorie
de la société bourgeoise (argentine) qui aurait tendance
à ignorer les problèmes sociaux, à ne pas mesurer
les conséquences du fossé créé par l’aisance
matérielle des uns par rapport à la misère des
autres. Vaste programme, nobles objectifs. Sauf que dans la réalité
de cette fiction, on ne voit qu’une histoire de chien écrasé,
pas très loin du lieu de la disparition d’un enfant,
et encore, il faut être sacrément attentif pour saisir
ces bribes d’informations. Rendre le spectateur actif et même
parfois devant re-créer le récit à partir de
lambeaux d’une narration floue, n’est pas inintéressant,
mais il y a des limites à tout, et ici, celles de l’ennui
sont allégrement dépassées. C’est finalement
le type même du film qui n’opèrera que sur une
minime partie de la bourgeoisie intellectuelle (tiens, celle-là
même prétendument dénoncée) qui en parlera
avec des sous-entendus infiniment spirituels, exactement dans le même
registre que la mise en scène, faite de longues scènes
contemplatives silencieuses ou noyées dans un brouhaha indistinct.
Dommage, le premier film de Lucrecia Martel, la Cienaga, privilégiant
l’ambiance au récit, donnait bien plus d’épaisseur
à l’observation d’une société argentine
en pleine déconfiture.
Ici, rien. Pas d’ambiance, pas la moindre émotion, juste
quelques débris de récit , et des acteurs fantomatiques,
qui passent devant la caméra en ne faisant rien sentir.