Admirablement construit, le film
est une expérience déstabilisante, puisqu'il adopte
le point de vue d'un homme âgé atteint de troubles
de la mémoire. Ses incompréhensions, ses confusions
entre passé et présent, ses errements nous sont montrés
non comme ils sont perçus par son entourage, mais bien comme
une vérité, sa vérité, sans cesse changeante,
remise en cause par sa fille, par son gendre, par les soignants...
certains mentent-ils ? Ou manipulent-ils le vieil homme ? Au bout
du compte, il n'est pas tout à fait certain que la réalité
montrée dans l'épilogue soit LA réalité.
Et puis, qu'est-ce qu'une réalité ? Pourquoi n'y en
aurait-il pas plusieurs, selon ceux qui l'énoncent ? Le scénario
est adapté d'une pièce de théâtre du
réalisateur, dont c'est le premier film. On sent dans la
façon d'organiser le récit tout le malin plaisir que
Florian Zeller a pu mettre en œuvre pour nous perdre, pour
jouer avec notre propre mémoire, avec ce que l'on voit, ce
que l'on entend, ainsi que ce que l'on croit avoir vu ou entendu.
C'est terriblement malin, intelligent, presque trop. Mais c'est
bien évidemment du cinéma, seul ce moyen d'expression
peut nous égarer de cette manière et ici, c'est admirablement
bien fabriqué. Anthony Hopkins est bluffant, inventif, ambigu
sans trop en faire, incarnant son personnage en détresse
ou résigné, plein d'assurance puis déboussolé,
humain, terriblement humain.