Comme un Tchekhov méridional…
Une famille un peu italienne qui s'engueule, des caractères
forts dans un appartement trop petit, tout le monde est entassé
et subit les explosions des uns et des autres. Il y a beaucoup d'agacements
à vivre ensemble, mais de l'amour, aussi. Le titre du film
est bien sûr ironique, mais pas complètement. Les membres
de cette "famille heureuse" n'en peuvent plus de se côtoyer
tous les jours, mais ils n'imaginent pas une vie différente.
Sauf Manana. La décision qu'elle prend de tout quitter, mari,
enfants, parents, surprend tout le monde. Mais elle n'aspire plus
qu'à une chose, vivre seule. Ce n'est pas qu'elle s'en moque,
de tous les autres, ou qu'elle les déteste. Non, c'est juste
qu'elle a besoin d'une bulle. Cette échappée donne
une universalité au film, qui n'a jamais ressenti une nécessité
de solitude ? Les longs plans séquences avec une caméra
mouvante donnent l'impression de vivre au cœur des échanges,
d'être là, avec les personnages, on pourrait donner
son avis, participer aux élans des uns, s'offusquer avec
d'autres. Il y a beaucoup de bruit, c'est parfois chaotique, la
vie de famille. Mais il y a aussi des accalmies, des respirations.
C'est parfois drôle, sur un détail, une expression,
juste un mot. Désespérant, aussi, à d'autres
moments. Ça ressemble très fort à la vie. Même
si celle que l'on nous montre est éloignée de la nôtre,
on s'y retrouve. Et puis soudain, les voilà qui chantent.
Et c'est beau, comme ils chantent. Est-ce ainsi que les Georgiens
s'expriment ? Est-ce que dans toutes les familles à Tbilissi,
les hommes chantent aussi bien ? Peut-être, ou peut-être
pas. Est-ce vraiment important ? Cela semble naturel, là.
Et tout finit par donner des émotions. Un regard, un demi-sourire,
une maladresse, une larme.
Quand la caméra les quitte, quand le noir se fait, on est
encore un peu avec eux, pour quelques instants. Ce n'est pas du
cinéma très inventif, c'est du quotidien à
la fois mélancolique, joyeux, nostalgique, désabusé,
ironique…